Démonstration de la fausseté du bouddhisme par Saint François Xavier
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Dans un décret du conciliabule de Vatican II, nous pouvons lire la phrase suivante : « Dans le bouddhisme, selon ses formes variées, l’insuffisance radicale de ce monde changeant est reconnue et on enseigne une voie par laquelle les hommes, avec un cœur dévot et confiant, pourront acquérir l’état de libération parfaite, soit atteindre l’illumination suprême par leurs propres efforts ou par un secours venu d’en haut. » [1] Giovanni Battista Montini – dit Paul VI – a d’ailleurs déclaré à ce sujet : « Le concile de Vatican II a exprimé son admiration pour le bouddhisme sous ses diverses formes et pour la contribution qu’il apporte à l’élévation spirituelle de l’homme. » [2] Or, dans une lettre destinée à la compagnie de Jésus datée du 29 janvier 1552, Saint François Xavier démontre de manière objective que le bouddhisme constitue une idéologie athée. Un athéisme que l’Église catholique a condamné en ces termes : « Si quelqu’un refuse d’admettre qu’il y a un seul vrai Dieu, créateur et Seigneur des choses visibles et invisibles, qu’il soit anathème. » [3] Ainsi, à travers la lecture de ce texte, on pourra constater que le Bouddhisme n’a jamais contribué à « l’élévation spirituelle de l’homme » et qu’il n’a jamais permis d’atteindre « l’illumination suprême » par « un secours venu d’en haut ».
« Le Japon est un vaste empire tout composé d’îles. On y parle un langage unique, qui n’est point difficile à appendre. Cette contrée fut découverte par les Portugais il y a huit ou neuf ans. Les Japonais sont très ambitieux d’honneurs et de distinctions, et se présument supérieurs à toutes les nations pour la gloire des armes et la vertu militaire : aussi méprisent-ils les autres peuples en comparaison d’eux-mêmes. Ils font de leur appareil guerrier un objet de gloire et de dépense, et n’ont rien dont ils soient plus fiers que d’armes ciselées d’or et d’argent. Ils portent toujours le poignard, à la maison comme au dehors. Lorsqu’ils se livrent au sommeil, ils le suspendent à leur chevet. Enfin, ils estiment les armes plus qu’aucune nation que j’aie vue. Ils sont excellents archers : d’ordinaire ils combattent à pied, quoique le pays ne manque point de chevaux. Entre eux ils sont très-civils, mais il n’en est point ainsi vis-à-vis des étrangers, qu’ils méprisent souverainement. Ils dépensent leur bien en armes, en vêtements, et dans l’entretien de nombreux serviteurs, et ne se préoccupent nullement d’amasser des richesses. C’est un peuple éminemment miliaire et continuellement en querelles, où le plus puissant par les armes exerce la domination la plus étendue. Ils ont un souverain unique, quoique depuis 150 ans les princes aient cessé d’obéir à ses ordres, ce qui est une cause permanente de guerres.
Dans ces contrées, il existe un grand nombre, soit d’hommes soit de femmes, qui professent une règle de vie religieuse : on les appelle bonzes et bonzesses. Il est deux sortes de bonzes : les uns portent une robe de couleur de cendres, les autres une robe noire. Il règne entre eux deux grandes rivalités : les moines cendrés s’élèvent publiquement contre les noirs, et les accusent d’ignorance et de mauvaises mœurs. Il y a de même deux espèces de bonzesses, les unes distinguées par la robe cendrée, et les autres par la noire. Elles sont soumises aux bonzes de leur règle et de leur couleur. Il existe au Japon un nombre infini et presque incroyable, à qui n’en a pas été le témoin, de bonzes et de bonzesses. J’ai appris par des autorités dignes de foi qu’il existe un souverain dans l’ État duquel sont des couvents de 80 personnes, soit bonzes, soit bonzesses, et où les moindres couvents en renferment 30. Il en existe une infinité qu’habitent 4, 6, ou 8 individus : et d’après ce que j’ai vu moi-même, j’incline à le croire. Les Japonais en ont reçu des traditions écrites, concernant les auteurs des différentes sectes, qui passent pour s’être soumis, pendant 2 ou même 3 mille ans, à des pénitences volontaires dans une absolue solitude. Au nombre des principaux sont Chaca et Amida. Il existe en tout 9 sectes, pour les hommes comme pour les femmes, différant toutes par leurs lois et par leurs préceptes : chacun est libre de régler sa créance sur la secte qui lui convient. De là résulte que sous le même toit, le mari, la femme et les enfants suivent des sectes différentes. Et cet usage ne soulève en général aucun désordre, chacun étant libre de vivre selon sa persuasion. Cependant, il naît souvent des disputes et des controverses, chacun s’efforçant de faire prévaloir sa croyance sur les autres, et quelques fois même on en a vu qui en venaient aux mains. Dans toutes ces sectes, on remarque un silence étrange touchant la création du monde et des âmes. Toutes font mention d’un séjour des gens vertueux et des méchants ; mais nulle s’explique sur la nature du séjour des bons, ou sur la puissance qui précipite les âmes des méchants dans les enfers. On se borne à proposer l’exemple des fondateurs des sectes, si ceux-ci, dit-on, dans l’intérêt du salut d’un nombre infini de créatures humaines, qui n’expient leurs péchés par aucune peine, se sont affligés personnellement par des rigueurs inouïes et d’une très-longue durée. En même temps, les bonzes déclarent que tous ceux qui, sans avoir fait pénitence de leurs péchés, auront invoqué les pères fondateurs de leurs sectes, seront exempts des suites de ces péchés ; mais que ce sera dans le cas unique où ils les auront invoqués avec une entière confiance, en reposant en eux toute leur espérance. Ils sont persuadés que l’intervention de ces « saints personnages » peut même les retirer des enfers. Mais les sectes dont je parle racontent des fables et des prodiges sans nombre, au sujet de leurs fondateurs, qu’il serait trop long de vous réciter. Parmi ces sectes, il en est qui proposent 300, d’autres 500 préceptes ; toutes cependant s’accordent en ce point, qu’il existe 5 préceptes essentiels entre tous, et qu’il est indispensable d’observer. Le premier est de ne point tuer, et de ne rien manger qui ait été tué ; le second, de ne point voler ; le troisième, de ne point commettre l’adultère ; le quatrième, de ne point mentir ; le cinquième, de s’abstenir de vin. Ces principaux devoirs sont communs à toutes les sectes. Toutefois les bonzes et les bonzesses, en dénonçant au peuple la force obligatoire de ces lois, lui ont persuadé que les personnes profanes et engagées dans les affaires du monde ne peuvent elles-mêmes observer les cinq préceptes ; mais qu’eux-mêmes sont prêts à satisfaire pour tous les résultats funestes de cette inobservation, à la condition que le peuple leur bâtira des couvents, et leur fournira des revenus annuels, et les sommes nécessaires à leur entretien ; et enfin, qu’on leur rendra toutes sortes d’honneurs et d’hommages : ces conditions étant remplies par le peuple, ils observeront en sa place la loi tout entière. Aussi, les principaux et les plus riches de la contrée, afin de jouir d’une plus grande licence de pécher, ont concédé aux bonzes tout ce qu’ils désiraient. De là résulte que les bonzes jouissent d’une grande vénération parmi les Japonais : tout le monde est persuadé qu’à leur prière les âmes sont exemptées des enfers, les bonzes ayant pris sur eux de satisfaire à la loi pour la nation entière.
Les bonzes prêchent en public à de certains jours. Le fondement de tous leurs discours est que nul d’entre le peuple ne sera condamné à descendre aux enfers, quel que soit le nombre de ses crimes passés et présents. L’auteur de leur secte les eût-il condamné aux enfers, les bonzes les retireront du milieu des flammes : si seulement, ayant satisfait pour eux, ils se portent leurs intercesseurs. Et les bonzes eux-mêmes exaltent singulièrement, aux yeux du peuple, leur propre « sainteté », qui consiste dans l’obéissance aux cinq lois. En même temps, ils dénient aux pauvres, qui sont dépourvus des moyens d’enrichir les bonzes, toute espérance d’être exemptés des enfers. Ils ont coutume de mettre les femmes au même rang que les pauvres, si elles négligent l’accomplissement des cinq préceptes : il les déclarent, à cause de la souillure de leurs époques menstruelles, infectées de plus de péchés que tous les hommes ensemble : un être si dégradé ne saurait donc être sauvé qu’à grand peine. Ils en viennent naturellement à dire que les femmes elles-mêmes, si elles font encore plus de présents aux bonzes que les hommes, peuvent espérer de sortir du séjour infernal. Ils déclarent encore dans leur prédication, que ceux qui, pendant la vie, auront donné de l’argent aux bonzes, recevront après la mort dit fois autant qu’ils auront donné, et dans la même monnaie pour les besoins de la vie nouvelle. Or, il se rencontre assez de personnes, hommes et femmes, qui confient ainsi aux bonzes des sommes considérables, afin d’en recevoir le produit décuple dans la vie future : et les bonzes leur donnent une garantie dans des billets écrits de leur main. La foule ignorante n’hésite pas à croire à cet intérêt multiple des fonds ainsi placés. On conserve soigneusement les billets des bonzes, et à la mort on les fait déposer dans les tombeaux, présumant que le diable reculera devant cette vue. Les bonzes ont encore mille autres artifices que je ne puis rappeler sans douleur. Mais une chose digne de risée est que, recevant l’argent de tout le monde à titre d’aumône, ils ne donnent eux-mêmes rien à personne. Quant à leurs moyens infinis de se faire donner de l’argent, je les omets, pour abréger le discours. Mais en présence de l’immensité des dons que l’on fait à ces hommes, et de considération que leur accorde le vulgaire, nous ne pouvons nous empêcher d’éprouver une douleur mêlée d’une horreur profonde. […] Les doctrines Japonaises n’apprennent absolument rien sur l’origine du monde, du soleil, des étoiles, du ciel, de la terre, de la mer et des autres êtres physiques, et les bonzes ne pensent pas que tous ces êtres aient une origine extérieure à leur substance. Les Japonais se montraient surpris au plus haut degré, lorsqu’ils entendaient dire qu’il existait un seul auteur et père commun des âmes, par lequel ils étaient créés. Et leur étonnement était d’autant plus profond que, dans leurs traditions religieuses, il est avéré qu’il n’existe aucune mention du Créateur de l’univers. S’il existait un principe unique de toutes choses, assurément, disaient-ils, les Chinois, de qui leur sont venues leurs opinions religieuses, ne l’auraient point ignoré ; car les Japonais accordent aux Chinois la prééminence en sagesse et en science, en tout ce qui concerne la religion et le gouvernement des États. On nous adressait un grand nombre de questions touchant le principe des êtres, s’il était bon ou mauvais, si le même principe était l’origine du bien et du mal ? Nous répondions qu’il n’existait qu’un principe unique, souverainement bon, et sans aucun mélange de mal. Cela ne les satisfaisait point ; en effet, ils avaient toujours considéré les démons comme mauvais de nature, et ennemis déclarés du genre humain. Et, d’un autre côté, Dieu, s’il était bon, aurait-il jamais créé des êtres aussi pervers ? A ces raisonnements, nous répondions que les démons, créés bons par Dieu, étaient devenus méchants par leur propre faute, et que, pour cette cause, étaient l’objet d’une punition et d’un supplice sans fin. […] Les Japonais suivent en tout la raison, plus qu’aucun autre peuple ; et tous, en général, sont tellement insatiables d’apprendre et indiscrets dans leurs demandes, qu’ils ne mettent aucune fin à leurs controverses, ou à la discussion de nos réponses, lorsqu’ils sont entre eux. Ils ignoraient que l’univers fût sphérique ; il n’avaient rien appris du cours du soleil et des astres ; de là résultait que lorsque nous étions interrogés par eux, que nous leur en exposions les principes, les révolutions des astres et les causes du tonnerre et des orages, ils écoutaient avidement, et paraissaient charmés de nous entendre, nous considérant avec un profond respect comme des savants de premier ordre.
Cette opinion de notre science nous ouvrit ainsi la voie pour faire pénétrer la religion dans les esprits. Parmi les neuf sectes qui règnent au Japon, une seule professe que les âmes sont mortelles, mais cette secte est réputée détestable par les membres des autres sectes. Ses adhérents y sont vicieux et corrompus et ne peuvent souffrir d’entendre parler des enfers. […]
Avant leur baptême, les néophytes d’Amanguchi étaient agités par une incertitude qui les affligeait et les troublait à excès. Dieu ne leur paraissait ni miséricordieux, ni bon, de ne s’être en aucun temps révélé aux Japonais, avant notre venue ; s’il était vrai surtout que ceux qui ne lui avaient point rendu le culte que nous prêchions devaient subir d’éternels supplices dans les enfers. Le salut de tous leurs ancêtres leur semblait mis en oubli, et comme négligé par la divinité, qui permettait que ces infortunés, privés de la connaissance des vérités nécessaires, fussent ainsi précipités dans une mort éternelle. Cette pensée si douloureuse était ce qui les éloignait le plus de la religion du vrai Dieu. Mais la divine miséricorde dissipa bientôt pour eux toutes les erreurs et toutes les indécisions. Nous commençâmes par leur démontrer que la loi divine était la plus ancienne de toutes. Avant que leurs institutions ne leur fussent venues des Chinois, les Japonais, enseignés par la nature, savaient qu’il était défendu de donner la mort, de voler, de se parjurer et de commettre les péchés énoncés dans les dix Commandements ; la preuve en était que celui qui commettait un de ces crimes était sans cesse en proie aux remords de sa conscience. La raison seule enseignait de fuir le mal et de pratiquer le bien ; et, naturellement, cette notion était profondément implantée dans le cœur de tous les hommes, et tous avaient reçu de la nature et par l’inspiration de Dieu, l’Auteur de la nature, la connaissance de la loi divine, avant d’être instruits à cet égard.
Si l’on conservait quelque doute, il suffisait de faire une épreuve en la personne d’un homme élevé, sur un mont solitaire, dans l’ignorance absolue des lois de sa nation : si cet homme ignorant, étranger à toute science humaine, est interrogé et qu’on lui demande : Est-il ou non criminel de tuer, la loi divine de voler, et enfin, de commettre toutes les actions que la loi divine interdit ; et n’est-il pas naturel de s’en abstenir rigoureusement ? Cet ignorant de toute science humaine répondra, sans aucun doute, de manière à faire connaître qu’il n’est pas ignorant de la loi divine. D’où peut-il avoir reçu cette connaissance, si ce n’est de Dieu, l’Auteur de la nature ? Et si cette connaissance existe chez les barbares, que doit-on penser à l’égard des nations civilisées et policées ? S’il en est ainsi, c’est nécessairement qu’avant les lois humaines, une loi divine a préexisté naturellement dans le cœur de tous les hommes. Les Japonais ont admis ces raisons, et, délivrés de leurs inquiétudes, ils ont pris entière confiance et reçu de nous, avec un cœur joyeux, le joug délicieux du Seigneur.
Mais les bonzes sont nos plus grands ennemis, parce que nous confondons leurs mensonges. Ainsi que nous l’avons dit, ils faisaient croire au peuple que les cinq commandements ne pouvaient en général être observés, et que pour ce motif, ils les devaient eux-mêmes observer pour le peuple, à la condition que le peuple aurait soin de pourvoir à leur existence et à leur entretien. Ils se portaient garants que si quelqu’un de la nation descendait aux enfers, il serait retiré par leur intervention et leur assistance. Nous, au contraire, nous prouvions à la multitude que dans l’enfer il n’existait point de rédemption, et que personne ne pouvait en être délivré par les bonzes ni par les bonzesses. Étant convaincu par nos arguments, le peuple se plaignait d’avoir été trompé par les bonzes. Enfin, avec la grâce de Dieu, les bonzes mêmes laissèrent échapper de leurs lèvres la confession de la vérité. Ils ne pouvaient, dirent-ils, conjurer pour personne les supplices de l’enfer ; mais s’ils ne professaient en public qu’ils avaient ce pouvoir, ils se verraient infailliblement réduits à mourir de faim. Effectivement, après peu de temps, les bonzes, dépourvus insensiblement des offrandes de leurs fidèles, éprouvèrent grandes privations domestiques et se virent en butte à des affronts publics. Au sujet des enfers, des disputes si vives se sont élevées entre nous et les bonzes, qu’ils paraissent ne devoir jamais se remettre en faveur avec nous. Un grand nombre d’entre eux s’est séparé de leur société pour rentrer dans la vie ordinaire. Ceux-là nous découvrent les Mensonges et les artifices des bonzes qui demeurent dans les couvents. Aussi, dans Amanguchi, le crédit des bonzes et des bonzesses s’affaiblit tous les jours. Les chrétiens m’ont assuré que sur cent couvents de bonzes et de bonzesses qui existaient dans Amanguchi, la plupart, privés des aumônes des habitants, vont bientôt cesser d’exister.
Autrefois, les bonzes et les bonzesses qui avaient enfreint l’un de leurs cinq préceptes, étaient punis de mort par les princes et les seigneurs des places qu’ils habitaient : soit qu’ils fussent convaincus de péché contre les mœurs, de vol ou de mensonge ; soit qu’ils eussent commis un homicide ou fait périr un être vivant, ou qu’ils se fussent nourris de sa chair ; et enfin, qu’ils eussent bu du vin. Mais aujourd’hui, cette discipline est entièrement relâchée et comme abolie ; la plupart boivent du vin, se nourrissent de chair en secret, se permettent le mensonge, commettent publiquement les péchés contre les mœurs, et d’ordinaire, ils retiennent chez eux de jeunes garçons dont ils corrompent la jeunesse en sa fleur ; ils n’en font point mystère et déclarent n’y trouver aucun péché. Aussi, le peuple, s’autorisant de l’exemple des bonzes, ne s’abstient point de ce crime infâme, et leur propos ordinaire est que ce qui est permis aux bonzes le doit être aux personnes du monde. Ajoutez à cela leurs que les bonzes entretiennent dans leurs couvents un grand nombre de personnes du sexe qu’ils font passer pour les femmes de leurs fermiers. Toutes ces circonstances sont un objet de scandale pour le peuple, qui tient pour suspect ce commerce familier des bonzes avec des femmes : de même les bonzesses sont visitées à toute heure par les bonzes, sous prétexte de religion ; et elles leur rendent ces visites. Le peuple interprète ces habitudes en mauvaise part. On dit que les bonzesses mangent habituellement une certaine herbe afin de ne point concevoir. Au reste, je ne suis point surpris de voir les bonzes souillés de tant et de si grands crimes, car c’est une race de gens qui met le démon à la place de Dieu, et nécessairement, ils doivent tomber dans les crimes les plus monstrueux et les plus impies.
Tous les Japonais se servent dans leurs prières d’un long rosaire de grains, et prient à chaque grain en invoquant l’auteur de leur secte. Les différentes sectes récitent plus ou moins souvent cette série d’invocations. Parmi les principaux chefs des religions dont nous avons parlé, sont Chaca et Amida. Les bonzes et bonzesses de la couleur cendrée et la plus grande partie du peuple vénèrent Amida ; les autres, sans négliger le culte d’Amida, rendent leur principal hommage à Chaca. Je me suis informé soigneusement si ce Chaca et cet Amida avaient été des personnages fameux par leur sagesse, et j’ai prié les chrétiens de me faire connaître l’abrégé de leur vie. J’ai fini par découvrir dans les livres que ce n’avait point été des hommes ; car on leur attribue une existence de mille ou même de deux mille ans; Chaca, selon certains, passe pour avoir vécu huit mille ans ; et la tradition raconte à ce sujet beaucoup de choses impossibles. Ainsi, j’en conclus que ce n’étaient point des hommes, mais de purs fantômes et l’ouvrage du démon.
Je prie instamment tous ceux qui liront cette lettre, au nom de leur zèle pour la propagation de notre divine religion, d’implorer pour nous du Seigneur Jésus-Christ qu’il nous accorde la victoire sur ces deux démons, Chaca et Amida, et sur tous leurs pareils, à cette heure surtout que leur puissance s’affaiblit d’une façon visible dans Amanguchi, par un effet merveilleux de la divine Providence. […]
Les Japonais sont convaincus que dans le séjour des bienheureux on trouvera des festins splendides et tous les biens de l’existence, en abondance et avec toutes les recherches les plus exquises, et que plus une personne se sera rendue agréable à Chaca et à Amida, plus elle sera élevée en gloire parmi les autres. Tous ces récits composent les mystères et les fables des bonzes qui, dans la vue de ruiner l’effet de nos prédications, n’ont cessé de proférer dans leurs temples des injures contre nous, et au milieu d’un peuple infini d’auditeurs, de nous maudire outrageusement ainsi que notre Dieu. Le Dieu des chrétiens, disaient-ils, est quelque chose d’ignoré, d’inconnu ; il est impossible que ce ne soit point le plus grand des démons et le père de tous les autres. Nous sommes, disaient-ils encore de nous, les disciples de ce démon ; et l’on doit se garder d’embrasser le culte de Jésus-Christ ; dès qu’on aura commencé à le révérer comme un Dieu, le Japon doit périr. Ils traduisaient aussi le nom de Dieu par une raillerie sacrilège : Dieu n’était autre chose que le Daïo, mot qui dans leur langue signifie mensonge : on devait donc se tenir en défiance et nous éviter avec horreur. Telles étaient, parmi bien d’autres, les calomnies impies qu’ils proféraient contre Dieu qui, cependant, dans sa clémence et sa miséricorde, a fait tourner ces calomnies à sa propre gloire et au salut des âmes. En effet, par leurs mensonges, notre autorité s’est accrue parmi le peuple, et le nombre des adorateurs de Jésus-Christ s’est multiplié chaque jour. Le peuple avait compris, et déclarait ouvertement, que la jalousie des bonzes était le principe de ces accusations à notre égard. Dans ce pays, j’ai travaillé longtemps et avec application afin de connaître, d’après toutes les anciennes traditions, si les Japonais ont jamais eu connaissance de Jésus-Christ, et j’ai fini par me convaincre, d’après leurs livres et leurs discours, qu’ils n’en avaient jamais rien connu. A Cangoxima, où nous sommes demeurés pendant une année, je me suis aperçu que le souverain et ses parents avaient une croix blanche dans leurs armoiries de famille, mais néanmoins qu’ils ignoraient entièrement le nom de Jésus-Christ. » [4]
[1] 7ème session de Vatican II (28 octobre 1965), Déclaration Nostra Ætate, § 2.
[2] Discours lors d’une rencontre avec une communauté Bouddhiste (17 janvier 1975).
[3] Pie IX, 3ème session du concile du Vatican (24 avril 1870), Constitution dogmatique Dei Filius, Chapitre 1, Canon 1.
[4] Lettres de Saint François Xavier de la compagnie de Jésus, Apôtre des Indes et du Japon. Traduites sur l’édition latine de Bologne par M. Léon Pages, Tome II (1854), éd. Poussielgue-Rusand, Livre VII, Lettre II, p. 216-230