La perpétuité et l’indestructibilité de l’Eglise
L’Église du Christ : Théologie dogmatique (Volume 2). Mgr Gerard Van
Nihil Obstat : Paul F. Genovese / Imprimatur : Edward Cardinal Mooney .1956
Section I, Chapitre I La fondation de l’Eglise,
Article III : La perpétuité de l’Eglise ()
Proposition : En fondant Son Église, Christ l’a rendue indestructible.
Cette proposition est certaine.
Cet article porte sur la perpétuité de cette seule Église ayant été fondée par le Christ, l’Église visible. Toute société peut faire défaut de deux manières : elle peut simplement cesser d’être, ou elle peut devenir inapte à la réalisation de son objectif par le biais d’une corruption substantielle. L’Église ne peut faire défaut d’aucune de ces deux manières. Puisque son but, à savoir la sanctification surnaturelle des hommes ne peut être atteint que par la bonne administration et la pratique de la religion du Christ, l’Église se corromprait et s’effondrerait si elle abandonnait ou falsifiait la religion du Christ dans son contenu dogmatique ou moral. Par conséquent, l’indestructibilité comprend deux éléments : (a) l’Église visible perdurera jusqu’à la fin du monde, et (b}) jusqu’à la fin des temps, elle gardera la religion du Christ incorruptible. “Jusqu’à la fin des temps”, car aussi longtemps qu’il y aura des hommes errant sur la terre, ils dépendront pour leur sanctification de Christ agissant à travers Son Église. Après cela, le Royaume de gloire prendra la place de l’Église militante.
Preuves:
- Sur la base des promesses du Christ.
« Et moi je te dis que tu es Pierre, et sur cette pierre je bâtirai mon Église, et les portes de l’enfer ne prévaudront point contre elle.» (Matthieu 16:18). Il s’ensuit que l’Église du Christ, dont la stabilité est garantie par l’affirmation du fait qu’elle est fondée sur la pierre (voir Matt. 7:24-25), ne peut jamais être vaincue par des forces hostiles. Mais si l’Eglise devait cesser d’être, ou même si elle se corrompait cela signifierait que l’Eglise serait vaincue.
«Tout pouvoir m’a été donné dans le ciel et sur la terre. Allez, faites de toutes les nations des disciples, les baptisant au nom du Père, du Fils et du Saint Esprit, et enseignez-leur à observer tout ce que je vous ai prescrit. Et voici, je suis avec vous tous les jours, jusqu’à la fin du monde. » (Matthieu 28 :18-20). L’expression «jusqu’à la fin du monde» est une référence claire à la fin du monde (voir Matt, 13 :40 ; 24 :3). Et ainsi, jusqu’à ce que ce jour vienne, Christ sera aux côtés des apôtres lorsqu’ils enseignent, sanctifient et gouvernent. Il sera aux côtés non seulement des apôtres en personne – car ils devaient bientôt mourir – mais aussi de ceux qui poursuivront l’œuvre des apôtres à travers les siècles et formeront ainsi avec eux une seule personne morale. Il sera là, Lui à qui tout pouvoir a été donné. C’est donc une assistance effective qu’Il leur a promise. Et quel sera le but de cette assistance? Précisément une aide afin qu’ils puissent enseigner, sanctifier et gouverner correctement. Il s’agit d’une promesse absolue qui n’est soumise à aucune condition spécifique. Il n’est nullement question ici d’une assistance venant récompenser un travail effectué ; il s’agit plutôt de sauvegarder les moyens de salut. Par conséquent, l’Église visible durera pour toujours, et dans un état incorruptible. Elle continuera à sauvegarder la doctrine du Christ, administrant ses sacrements et instruisant tous les peuples de ses préceptes.
Les paraboles du champ (Matthieu 13:24-30, 38-40) et du filet (13:47-50) impliquent la même chose, c’est-à-dire que le royaume de Christ durera jusqu’à la fin du monde.
- Les prophéties messianiques offrent une preuve supplémentaire.
Elles affirment clairement que le royaume du Messie sera éternel et infaillible. L’ange qui a annoncé la conception de Jésus-Christ a répété la prophétie suivante : «et le Seigneur Dieu lui donnera le trône de David, son père. Il règnera sur la maison de Jacob éternellement, et son règne n’aura point de fin. (Luc 1 :32-33). Le royaume sur lequel le Messie doit exercer sa royauté n’est autre que l’Église dans laquelle le Christ a donné une expression concrète à sa religion. Mais si jamais l’Église se corrompait elle cesserait par là même d’être le royaume du Messie.
8. Les témoignages des temps les plus reculés corroborent les preuves précédentes. Les apôtres et les premiers pères considéraient l’Église comme indestructible, et ils devaient donc être conscients des promesses divines à ce sujet. Les apôtres appellent l’Église « un royaume inébranlable» (Héb. 12 :28); ils prédisent que l’Eucharistie sera célébrée jusqu’à ce que le Christ vienne juger le monde (I Cor. 11:26). Pour ne citer que quelques-uns des pères, saint Ignace dit : «Le Seigneur a permis que de la myrrhe soit versée sur sa tête afin qu’il insuffle l’incorruptibilité à l’Église » (Éphésiens 17. 1. ACW trans.) Saint Athanase, en expliquant les paroles du Psaume : « Son trône sera comme le soleil devant moi » écrit : Il faut comprendre « le trône du Christ » comme signifiant l’Église, car c’est en elle qu’Il demeure. Par conséquent, l’Église continuera à éclairer le monde de son éclat et à exister pour toujours, tout comme le soleil et la lune (Dans le Psaume 88:38).
Et Saint Jérôme :
« Nous comprenons donc que l’Église peut être frappée de persécutions jusqu’à la fin du monde, mais ne peut jamais être renversée, elle peut être attaquée, mais jamais vaincue. Et ce parce que le Seigneur Dieu tout-puissant, son Dieu [de l’Église], a promis qu’il y veillerait, et sa promesse est la loi même de la nature. »
Corollaire :
Il n’y a aucune réconciliation possible entre les promesses divines garantissant l’indestructibilité de l’Église et les positions hétérodoxes suivantes : (1) Calvin a enseigné que l’Église du Christ et la papauté n’ont pas complètement cessé d’exister, mais qu’elle se sont néanmoins effondrées si misérablement qu’il ne restait plus que les fondations et un tas de décombres (2) Le synode de Pistoie a affirmé que « Dans ces derniers siècles, un voile général de ténèbres s’est étendu sur les vérités les plus importantes, les vérités qui concernent la religion et qui sont le fondement même de la foi et de l’enseignement moral de Jésus-Christ. » Pie VI a déclaré cette déclaration hérétique. (3) De nombreux systèmes religieux ont, à différentes époques et sous diverses formes, prédit une nouvelle Église, un système de salut perfectionné, une effusion plus généreuse du Saint-Esprit. Tels étaient, entre autres, les Gnostiques, les Montanistes, les Cathares, les Anabaptistes, les Quakers, les Swedenborgiens, les Irvingiens, les saints des derniers jours, etc.” (4) Les modernistes prétendent que l’Église, comme toute autre société naturelle, est soumise aux lois de l’évolution continue, et que la structure monarchique et autocratique de l’Église , fondée sur une erreur courante des anciens sur l’institution divine directe de l’Église, peut et doit céder la place à une structure démocratique en accord avec les exigences de la mentalité moderne ; et de plus, que l’Église, en s’obstinant à s’accrocher à des dogmes immuables, n’est pas à la hauteur de sa tâche et ne peut pas sauvegarder efficacement l’esprit des Evangiles.
Texte original en anglais. Traduction en français: Brice Michel
PRÉCIS DE THÉOLOGIE DOGMATIQUE. Mgr Bernard Bartmann. 1935
Nihil Obstat : Aug. Saudreau / Imprimatur : .1935
LIVRE 5 : Le Traité de l’Église
PREMIÈRE SECTION : L’Église, institution de salut
CHAPITRE 3 : Propriétés et notes de l’Église
§ 147. La perpétuité et l’immutabilité de l’Église
L’Église a reçu de son divin fondateur la promesse d’une durée indestructible jusqu’à la fin du monde. C’est pourquoi, dans ce sens, elle est perpétuelle.
En affirmant cette perpétuité de l’Église, on n’exprime, en soi et à proprement parler, que son existence continuelle. Elle ne périra jamais, son existence ne sera pas non plus interrompue. Cela est déjà une perfection, mais qui n’exclut pas nécessairement toute imperfection. Des royaumes terrestres et des religions non chrétiennes pourraient également avoir une durée pareille. Mais ils éprouveraient au cours des temps, en raison des circonstances et des influences étrangères, des changements intérieurs et extérieurs, si bien que tout au moins en considérant ces changements, on ne pourrait pas parler d’une durée continuelle. Si donc l’on veut parler de la durée indestructible de l’Église, au sens parfait et strict, il faut immédiatement ajouter un autre élément, l’immutabilité. Il faut ces deux éléments pour constituer la notion d’indéfectibilité.
L’immutabilité ajoute à la perpétuité un élément essentiel. C’est elle qui est la raison de la durée continuelle ; bien plus, elle est la raison de toutes les autres propriétés et caractéristiques de l’Église. Elle indique en effet que l’Église est immuablement une, sainte, catholique et apostolique, telle qu’elle a été établie au commencement par son fondateur.
L’Église est perpétuelle et immuable, tant dans sa forme extérieure que dans sa forme intérieure. Elle l’est par rapport à sa constitution extérieure et visible, à sa hiérarchie et à sa primauté. Elle l’est par rapport à son essence interne, à sa foi et à sa doctrine. Ni sur un point ni sur l’autre, l’Église ne peut se démentir. Cette indéfectibilité n’est pas seulement accidentelle et effective ; elle est intérieurement nécessaire, en tant qu’elle a été voulue par le Christ ; aussi, ce n’est pas une indéfectibilité que les membres de l’Église peuvent présumer, c’est une donnée nécessaire de l’essence de l’Église, garantie dans la foi.
La cause de cette indéfectibilité est en premier lieu le Saint‑Esprit. Il a précisément été envoyé à l’Église, avec ce but de constituer son principe intérieur et permanent de vie jusqu’à la fin du monde. Les causes secondaires sont l’ordre hiérarchique institué par le Christ, particulièrement la primauté, ainsi que les ordonnances immuables établies par le Christ, concernant le culte commun (messe, sacrements). Si l’on résume la vie intérieure complète de l’Église dans l’unique foi de l’Église universelle, alors son indéfectibilité est causée et garantie par l’infaillibilité de son magistère.
Il faut faire les réserves suivantes : cette perpétuité et cette immutabilité n’ont été données à l’Église que par rapport à ses éléments essentiels, et, par suite, les changements accidentels dans l’Église ne sont pas seulement possibles, mais encore effectifs. Bien plus, ils sont d’une certaine manière nécessaires, car l’Église est un organisme vivant et il est dans la nature d’un organisme vivant de se développer et de se fortifier dans des formes de vie changeantes. Et cela s’applique tant à la vie intérieure qu’à la vie extérieure de l’Église : il suffit d’un coup d’œil sur l’histoire de l’Église pour s’en convaincre.
Les adversaires de cette vérité de la durée immuable de l’Église sont toutes les sectes qui veulent établir une nouvelle religion modifiée, à la place de l’Église, sous prétexte de la perfectionner et de l’améliorer. Certaines de ces sectes, comme celle des montanistes, rêvaient d’un troisième royaume, l’ère nouvelle du Saint‑Esprit ; d’autres utopistes du Moyen‑Age rêvaient d’un Évangile éternel ; d’autres admettaient trois Églises successives : l’Église pétriniste (catholique) ; l’Église pauliniste (protestante) et l’Église johannique (dans l’avenir). Cette dernière Église est d’ordinaire conçue comme une libre Église de l’Esprit, sans aucun ordre hiérarchique. Il n’y a que quelques protestants à admettre que l’Église johannique existe déjà dans l’Église grecque.
Parmi les décisions ecclésiastiques, il faut citer ici la condamnation d’une proposition du Synode de Pistoïe qui affirme que, dans les derniers siècles, il s’est produit dans l’Église un obscurcissement général des vérités importantes de la foi et des mœurs, comme le Christ l’a annoncé. Cette proposition a été déclarée hérétique (Denz., 1501). De même fut condamnée une proposition de Quesnel, dans laquelle il attribuait à l’Église des signes manifestes de sénilité (Denz., 1145). Dans ces derniers temps, il faut signaler des erreurs semblables des modernistes qui affirment une modification intérieure et extérieure de l’Église : « La constitution organique n’est pas immuable, mais la société chrétienne, comme toute société humaine, est soumise à une évolution perpétuelle » (Denz., 2053). Il a déjà été question (t. 1er) de la doctrine moderniste d’un changement continuel du dogme (Denz., 2054, 2058, 2065).
La preuve d’Écriture se trouve déjà dans les Prophètes. Ils caractérisent la nouvelle alliance, que doit fonder le Messie, comme éternelle, et son royaume, comme un royaume qui n’aura pas de fin (Cf. Is., 9, 6 sq. ; 55, 3 sq. ; 61, 8 sq. ; Jér., 31, 31-36 ; 32, 40. Dan., 2, 44 ; 7, 14. Os., 2, 19. Ps 88, 36-38). Aussi cette durée perpétuelle de la Nouvelle Alliance est annoncée par l’Ange au moment de l’entrée du Seigneur dans le monde : « Il régnera dans la maison de Jacob éternellement et son royaume n’aura pas de fin » (Luc, 1, 32 sq. Cf Hébr., 12, 27 sq.)
Jésus lui‑même a exprimé cette vérité sous différentes formes. « Les portes de l’enfer ne prévaudront pas contre elle » (Math., 16, 18). « Voici que je suis avec vous tous les jours jusqu’à la fin du monde » (Math., 28, 20). « Il vous enverra un autre consolateur, l’Esprit de vérité, afin qu’il demeure avec vous éternellement » (Jean, 14, 16). Dans la parabole de l’ivraie parmi le bon grain, il dit que les deux semences doivent croître jusqu’au temps de la récolte ; et ce temps, c’est la fin du monde (Math., 13, 24-43).
Les Apôtres exposent la même doctrine. Déjà, dans l’image paulinienne de l’Église corps du Christ, se trouve cette conception que, de même que le Christ éternel ne sera jamais dépourvu de son corps mystique, de même le corps ne sera jamais privé de sa tête (Cf. 1 Cor., 12, 12 sq. Eph., 1, 22 sq. ; 4, 13. Col., 1, 18 sq.) Dieu veut « que tous les hommes soient sauvés et parviennent à la connaissance de la vérité » (1 Tim., 2, 4). Cette vérité par laquelle tous les hommes doivent être sauvés n’est autre que la vérité que le Christ a transmise à ses Apôtres et par eux à son Église. « L’Église du Dieu vivant est la colonne et la base de la vérité » (1 Tim., 3, 14 sq.).
Les Pères sont aussi nets. S. Athanase écrit : « Sous le nom de trône du Christ, comprends l’Église ; car c’est sur elle qu’il se repose. Par conséquent, l’Église du Christ brillera et illuminera l’univers et durera éternellement comme le soleil et la lune. » (Exp. in Ps. 88, 38). S. Jean Chrysostome : « Il est plus facile d’éteindre le soleil que de détruire l’Église. » (Hom. 4 in illud : Vidi Dominum, 2 : M. 56, 122). S. Augustin : « Personne ne détruit, au ciel, le plan de Dieu ; personne ne détruit, sur la terre, l’Église de Dieu. » (Ep. 43, 9, 27). De son temps déjà, il y avait des gens qui disaient : « Cette Église, qui se compose de tous les peuples, n’existe déjà plus, elle est anéantie. C’est ce que disent ceux qui ne vivent pas en elle. Quelle affirmation éhontée : Cette Église n’est plus, parce que tu n’es plus en elle ? ». Il emploie ensuite les termes les plus durs pour stigmatiser l’opinion de ceux qui prétendent que l’Église est anéantie : « Cette voix abominable, détestable, pleine de présomption et de fausseté, qui n’a pour base aucune vérité, qui n’est éclairée par aucune sagesse, ni pondérée par aucune prudence, qui est vaine, qui est téméraire, qui est précipitée, qui est pernicieuse, a été prévue par l’Esprit de Dieu » (In Ps. 101, sermo 2, 8 : M. 37, 1309). De même S. Ambroise : « C’est Pierre lui‑même à qui il a dit : Tu es Pierre, etc. Par conséquent, là où est Pierre, là est l’Église : là ou est l’Église, il n’y a pas de mort, mais la vie éternelle. Et c’est pourquoi il ajoute : et les portes de l’enfer ne prévaudront pas contre elle. » (Enar. in Ps. 40, 30 : M. 14, 1082). D’après S. Jérôme, « l’Église fondée sur le rocher ne sera ébranlée par aucune tempête, ne sera renversée par aucun mauvais temps. » (In Is., 4, 6 : M. 24, 74). S. Léon Ier écrit : « De même que demeure ce que Pierre a cru dans le Christ, de même demeure ce que le Christ a institué en Pierre. » (Sermo 3, de natali Petri et Pauli, 2 : M. 54, 146).
La raison théologique de la durée immuable de l’Église est empruntée à la notion chrétienne de Dieu. Les promesses de Dieu ne peuvent pas ne pas se réaliser. Cela ne veut pas dire qu’on doive entendre cette réalisation au sens fataliste et que les membres de l’Église, particulièrement les prêtres, doivent s’en remettre à Dieu seul du soin de maintenir l’Église, sa foi et ses mœurs. Il en va ici comme dans les effets de la Providence en général. Dieu les produit ordinairement par les causes secondes. Sans doute l’Église universelle est certainement conservée par l’influence de Dieu, mais la permanence des Églises particulières dépend, à un degré important, de la coopération des fidèles. Des parties importantes de l’Église ont été perdues par la faute des fidèles et par la faute des prêtres, dont la part n’est pas la moindre.
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