À l’époque où Débora était juge et prophétesse, Jabin, roi d’Hazor, décida d’envahir Israël. Son armée, dirigée par le général Sisara, réduisit les Israélites en captivité pendant vingt longues années (de 1416 à 1396 av. J-C). Mais un jour, une femme réussit à sauver son peuple de ce joug terrible. Cette femme s’appelait Jahel. Or, il est possible de voir dans la figure de Jahel une préfiguration de la Vierge Marie.
En effet, de même que « l’ange Gabriel » a dit à Marie : « Je vous salue, pleine de grâce ; le Seigneur est avec vous ; vous êtes bénie entre les femmes » (Luc 1 ; 28), ainsi, « l’ange du Seigneur » a dit à Jahel : « Bénie entre les femmes, Jahel, femme d’Haber, le Cinéen ! et qu’elle soit bénie dans son tabernacle. » (Juges 5 ; 24).
Du reste, de même qu’en parlant de Marie « le Seigneur Dieu dit au serpent » (c’est-à-dire au diable) : « Je mettrai des inimitiés entre toi et la femme », et « elle te brisera la tête» (Genèse 3 ; 14-15), ainsi, Jahel « a frappé Sisara », (le général de l’armée du roi d’Hazor), en « cherchant à sa tête un endroit pour la blessure », et en « lui perçant fortement la tempe » (Juges 5 ; 26).
De ce fait, Marie et Jahel sont toutes les deux devenues, chacune à leur manière, des symboles de victoire face au péché : l’une en mettant au monde le Messie, et l’autre en tuant celui qui opprimait les enfants d’Israël.
Mais si, contrairement à Jahel – à toutes les autres femmes qui sont mentionnées dans la Bible – la Vierge Marie est dite « pleine de grâce » (Luc 1 ; 28), c’est parce que cette dernière possède une dignité particulière qui la rend supérieure à toutes les créatures. Et pour cause, car l’Écriture nous enseigne « que dans une âme malveillante n’entrera pas la sagesse, et qu’elle n’habitera pas dans un corps assujetti aux péchés. » (Sagesse 1 ; 4). Or, puisqu’il est impossible que la Sagesse puisse habiter dans un corps assujetti aux péchés, Dieu (qui est la Sagesse même) ne pouvait donc pas s’incarner dans un corps né d’une femme qui fut souillée par le péché originel. C’est pourquoi l’Écriture dit : « Qui peut rendre pur celui qui a été conçu d’un sang impur ? » (Job 14 ; 4) ou encore : « Comment le fils de la femme serait-il pur ? » (Job 25 ; 4). D’ailleurs, l’Apôtre Paul n’a-t-il pas déclaré à propos du Christ que c’est « en lui que toute la plénitude de la divinité habite corporellement » (Colossiens 2 ; 9) ? Des lors, le seul moyen d’expliquer correctement le mystère de l’Incarnation consiste à admettre que Dieu a créé la Vierge Marie sans tache, en la préservant du péché originel, afin que la nature humaine du Christ soit pure de tout péché. Saint Augustin disait à ce sujet : « Insensés, où donc trouvez-vous des taches en Marie, puisqu’elle a conçu en dehors de toute concupiscence, et qu’elle a enfanté sans aucune douleur ? » [1] En conséquence, si la Vierge Marie a accouché sans douleur – comme le soutient l’évêque d’Hippone – cela signifie donc que celle-ci n’a jamais contracté le péché originel. Car le Seigneur a dit : « Je multiplierai tes fatigues et tes grossesses, et c’est dans la douleur que tu mettras au monde des enfants » (Genèse 3 ; 16).
Ce n’est donc pas pour rien que l’Ange Gabriel a annoncé à Marie : « L’Esprit-Saint surviendra en vous, et la vertu du Très-Haut vous couvrira de son ombre. C’est pourquoi la chose sainte qui naîtra de vous sera appelée le Fils de Dieu. » (Luc 1 ; 35). Et plus loin, l’Évangile nous rapporte également : « Elisabeth fut remplie de l’Esprit-Saint ; alors elle s’écria d’une voix forte : “Vous êtes bénie entre les femmes, et le fruit de votre sein est béni. Et d’où m’arrive-t-il que la mère de mon Seigneur vienne vers moi ? Car, dès que la voix de votre salutation est venue à mes oreilles, l’enfant a tressailli de joie dans mon sein. Et bienheureuse, vous qui avez cru ! car ce qui vous a été dit par le Seigneur s’accomplira.“ Alors Marie dit : “Mon âme glorifie le Seigneur. Et mon esprit a tressailli d’allégresse en Dieu mon Sauveur ; parce qu’il a regardé l’humilité de sa servante ; et voici que désormais toutes les générations me diront bienheureuse ; car le tout-puissant a fait en moi de grandes choses » (Luc 1 ; 41-50).
Existe-il un témoigne plus éloquent de l’Immaculée Conception de la Mère de Dieu ? « Tout cela est plus clair que le jour » – écrivait le pape Pie IX – « cependant, comme si ce n’était point assez, les Pères ont, en propres termes et d’une manière expresse, déclaré que, lorsqu’il s’agit de péché, il ne doit pas en aucune façon être question de la Sainte Vierge Marie parce qu’elle a reçu plus de grâce, afin qu’en elle le péché fût absolument vaincu et de toutes parts. Ils ont encore professé que la Très glorieuse Vierge avait été la réparatrice de ses ancêtres et qu’elle avait vivifié sa postérité ; que le Très-Haut l’avait choisie et se l’était réservée dès le commencement des siècles ; que Dieu l’avait prédite et annoncée quand il dit au serpent : “Je mettrai l’inimitié entre toi et la femme“ (Genèse 3 ; 15), et que, sans aucun doute, elle a écrasé la tête venimeuse de ce même serpent ; et pour cette raison, ils ont affirmé que la même Vierge Bienheureuse avait été, par la grâce, exempte de toute tâche du péché, libre de toute contagion du corps et de l’âme, et de l’intelligence ; qu’elle avait toujours conversé avec Dieu ; qu’unie avec Lui par une alliance éternelle, elle n’avait jamais été dans les ténèbres, mais toujours dans la lumière, et par conséquent qu’elle avait été une demeure tout à fait digne du Christ, non à cause de la beauté de son corps, mais à cause de sa grâce originelle. » [2]
[1] Sermon XVII.
[2] Constitution Apostolique Ineffabilis Deus du 8 Décembre 1854.