En s’appuyant sur les travaux de l’historien Philippe Prévost, certaines personnes ont voulu tenter de démontrer que l’Église catholique – par l’intermédiaire de son pape Léon XIII (d’heureuse mémoire) – se serait ralliée à l’anticatholicisme de la IIIème république.
Philippe Prévost : « La « doctrine du ralliement » est née en 1892, lorsque Léon XIII demanda aux catholiques, qui dans leur grande majorité étaient monarchistes, de devenir républicains, pour des raisons électoralistes qu’il pensait favorables à l’institution. Mais l’enfer étant pavé de bonnes intentions, cette politique aboutit à la loi de 1905 séparant l’Église et l’État avec les suites que l’on connaît. Car la République n’était pas neutre, elle était laïque – on pourrait dire laïciste – naturaliste, maçonnique et anticatholique. Telle était l’idéologie à laquelle les catholiques étaient conviés à se rallier, et c’est en cela que consistait la véritable révolution. Les chrétiens, au nom de Dieu, devaient être soumis en tous points à un pouvoir qui lui était radicalement hostile. » [1]
Malheureusement, Philippe Prévost a totalement caricaturé l’enseignement de Léon XIII. D’abord, notons que le terme de « ralliement » ne figure nulle part dans son encyclique Au milieu des sollicitudes publiée en 1892. Ensuite, Léon XIII n’a jamais demandé aux monarchistes de devenir républicains. Il a simplement expliqué qu’entre la république, l’empire et la monarchie, chaque catholique était libre de choisir le régime qu’il préfère. [2] Cela peut s’expliquer par le fait que – dans le passé – certaines républiques ont choisi le catholicisme comme religion d’État. Ce fut par exemple le cas de la république de Venise (597-1797), de la république de Florence (1115-1569) et de la république d’Équateur, du temps où elle était gouvernée par l’illustre président : Gabriel García Moreno (1859-1875). [3] D’ailleurs, plusieurs docteurs de l’Église ont même évoqué la possibilité d’établir une république chrétienne. Ce fut notamment le cas de Saint Augustin, [4] ainsi que des papes Léon X [5] et Adrien VI. [6] De même, nous savons aussi que certains empires ont été dirigés par des catholiques, comme ce fut le cas à l’époque de Constantin (310-327), de Théodose (379-395), de Justinien (527-575), de Charlemagne (800-814), de Saint Henri II (1014-1024) et de Charles Quint (1520-1558). L’une des forces de la religion catholique, c’est d’ailleurs sa capacité à s’adapter à tous les types de régime. [7] En effet, même si – d’après Pie VI – la monarchie est le meilleur des gouvernements, [8] comme l’écrivait aussi Saint Thomas d’Aquin, [9] ce même docteur Angélique précisait toutefois que le régime parfait, institué par la loi divine, était un heureux mélange de monarchie, d’aristocratie et de démocratie. [10] De plus, au moment où Léon XIII publiait cette encyclique, il n’était pas impossible que la IIIème république se convertisse au Catholicisme ; car, peu de temps auparavant, l’Assemblée Nationale avait choisi d’élire un président catholique, en l’occurrence : le Maréchal Patrice de Mac Mahon (1873-1879). Par ailleurs, rappelons aussi que Léon XIII a réprouvé la séparation de l’Église et de l’État, [11] bien avant l’instauration de la loi de 1905. Du reste, Léon XIII n’a jamais convié les catholiques à se rallier à l’idéologie maçonnique, [12] et encore moins à se soumettre en tous points à un pouvoir hostile à Dieu. Au contraire, Léon XIII a condamné la Franc-maçonnerie, [13] tout en rappelant aux catholiques qu’ils n’avaient pas le droit d’obéir à une législation contraire à la loi divine. [14] Cette doctrine est exactement la même que celle de Grégoire XVI, qui enseignait que les chrétiens devaient obéir au pouvoir civil tant que ses ordres n’étaient pas contraires à leur religion. [15] Précisons également qu’à cette époque, les catholiques de France n’avaient aucun moyen de prendre le pouvoir par la force ; car au-delà du fait que la morale chrétienne n’approuve pas la révolution, [16] l’organisation d’un coup d’État aurait assurément exposé les catholiques à de terribles représailles de la part du pouvoir en place. En conséquence, Léon XIII n’avait aucune raison d’appeler les catholiques à l’insurrection. [17] Nous constatons en outre que les adversaires de Léon XIII n’ont jamais tenté de prendre les armes pour renverser le régime républicain. Cette attitude donne clairement raison à ce souverain pontife qui, pour des raisons de prudence, avait ordonné aux catholiques d’accepter la république – sans pour autant accepter sa mauvaise législation [18] – afin de les protéger du risque d’une éventuelle guerre civile. [19] Nous pouvons d’ailleurs remarquer que les soi-disant « catholiques » qui se sont permis de condamner Léon XIII ont pourtant tous accepté de payer des impôts, [20] ou de recevoir des aides sociales de la part de l’État, ce qui prouve qu’ils ont tacitement reconnu la légitimité de ce régime. Ainsi, en jugeant Léon XIII, ses adversaires se condamnent eux-mêmes. En conclusion, la doctrine de Léon XIII sur la distinction entre les pouvoirs constitués et la législation [21] – clairement formulée par Saint Augustin [22] – est tout-à-fait conforme à l’esprit de l’Évangile. [23] Pour paraphraser Notre Seigneur Jésus-Christ, nous pouvons dire que Léon XIII a rendu à la république ce qui est à la république et à Dieu ce qui est à Dieu.
[1] L’Église et le Ralliement, éd. KontreKulture (2016).
[2] Léon XIII, Encyclique Au milieu des sollicitudes (16 février 1892) : « Divers gouvernements politiques se sont succédé en France dans le cours de ce siècle, et chacun avec sa forme distinctive : empires, monarchies, républiques. […] Dans cet ordre d’idées spéculatif, les catholiques, comme tout citoyen,ont pleine liberté de préférer une forme de gouvernement à l’autre, précisément en vertu de ce qu’aucune de ces formes sociales ne s’oppose, par elle-même, aux données de la saine raison, ni aux maximes de la doctrine chrétienne. »
[3] Gabriel García Moreno : « Nous repoussons le gouvernement colombien de tout l’amour que nous avons pour notre sainte religion ; nous ne voulons pas de son code basé sur la destruction des tables du Sinaï ; nous sommes chrétiens avant d’être républicains, et nous avons la conviction que l’arbre de la liberté ne peut naître et grandir qu’au pied de la croix. » (Cf. Révérend Père Augustin Berthe : García Moreno, président de l’Équateur, vengeur et martyr du droit chrétien. Tome I, éd. Retaux-Bray, 1889, Chapitre XIV, p. 401).
[4] Saint Augustin : « Or, il n’est de véritable justice que dans cette république dont Jésus-Christ est le fondateur et le souverain, si toutefois nous la nommons république, ne pouvant nier qu’elle ne soit en réalité la chose du peuple. Que si ce nom, pris ailleurs dans un autre sens, s’éloigne trop de notre langage accoutumé, il n’est pas moins certain que la vraie justice n’appartient qu’à cette Cité dont l’Écriture sainte a dit : « On a publié sur toi des choses glorieuses, Cité de Dieu. » (Psaume 87 ; 3). Mais, pour revenir à la question réelle, malgré les éloges que nos adversaires décernent à la république telle qu’elle fut ou telle qu’elle est, toujours est-ce une vérité qu’au témoignage de leurs plus savants auteurs, longtemps avant la naissance du Christ, elle n’était que désordre et corruption ; ou plutôt elle n’était plus, elle avait péri dans la ruine de ses mœurs. » (Cf. La Cité de Dieu. Livre II, Chapitre XXI et XXII).
[5] Léon X : « Nous voulons donc nous occuper de cette question comme il convient par souci de justice, d’une part, afin de pas ouvrir l’abîme de l’usure, par amour de la piété et de la vérité, et d’autre part, de subvenir au besoin des pauvres. En entretenant ces deux préoccupations, puisqu’elles paraissent concerner la paix et la tranquillité de la république chrétienne, avec l’approbation du saint concile, Nous déclarons et définissons que les monts de piété déjà mentionnés, créés par les républiques et approuvés et confirmés depuis ce temps par l’autorité du Siège apostolique, […] ne présentent pas d’apparence de mal, n’incitent pas au péché et ne doivent d’aucune façon être condamnés… » (Cf. 10ème session du Concile de Latran V, 4 Mai 1515, Bulle Inter multiplices).
[6] Adrien VI : « Si nous gardons et défendons les intérêts de notre foi et de notre religion, et si nous aimons mieux souffrir quelque préjudice dans nos intérêts particuliers, que d’être indifférents au dommage de la république chrétienne, Dieu nous aidera en tout, et de sa main il vaincra les ennemis. » (Cf. Lettre n° XXXIV à Charles-Quint, 5 août 1522. Cité dans : Correspondance de Charles-Quint et d’Adrien VI, publiée pour la première fois par M. Gachard. éd. C. Muquardt, 1859, p. 105).
[7] Léon XIII, Encyclique Libertas Praestantissimum (20 juin 1888) : « En outre, préférer pour l’État une constitution tempérée par l’élément démocratique n’est pas en soi contre le devoir ; à condition toutefois qu’on respecte la doctrine catholique sur l’origine et l’exercice du pouvoir public. Des diverses formes du gouvernement, pourvu qu’elles soient en elles-mêmes aptes à procurer le bien des citoyens, l’Église n’en rejette aucune ; mais elle veut, et la nature s’accorde avec elle pour l’exiger, que leur institution ne viole le droit de personne et respecte particulièrement les droits de l’Église. »
[8] Pie VI, Allocution Quare lacrymae (17 juin 1793) : « Le Roi Très Chrétien Louis XVI a été condamné au dernier supplice par une conjuration impie et ce jugement s’est exécuté. Nous vous rappellerons en peu de mots les dispositions et les motifs de la sentence. La Convention Nationale n’avait ni droit ni autorité pour la prononcer. En effet, après avoir aboli la monarchie, le meilleur des gouvernements, elle avait transporté toute la puissance publique au peuple… »
[9] Saint Thomas d’Aquin : « Comme le gouvernement d’un roi est le meilleur, ainsi le gouvernement d’un tyran est le pire. À la république s’oppose la démocratie, l’une et l’autre étant un gouvernement exercé par le plus grand nombre ; à l’aristocratie s’oppose l’oligarchie, l’une et l’autre étant exercée par le petit nombre ; quant à la royauté, elle s’oppose à la tyrannie, l’une et l’autre étant exercée par un seul homme. […] Un gouvernement juste est d’autant plus utile que son organe de direction est plus unifié, de sorte que la royauté est meilleure que l’aristocratie, et que l’aristocratie est meilleure que la république. Ainsi en sera-t-il inversement pour le gouvernement injuste, de sorte que plus son organe directeur est unifié, plus il est nuisible. La tyrannie est donc plus nuisible que l’oligarchie, et l’oligarchie est plus nuisible que la démocratie. » (Cf. Du Royaume, éd. Louis Vivés, 1857, Livre I, Chapitre III, p. 8).
[10] Saint Thomas d’Aquin : « Voici donc l’organisation la meilleure pour le gouvernement d’une cité ou d’un royaume : à la tête est placé, en raison de sa vertu, un chef unique ayant autorité sur tous ; puis viennent un certain nombre de chef subalternes, qualifiés par leur vertu ; et cependant, la multitude n’est pas étrangère au pouvoir ainsi défini, tous ayant la possibilité d’être élus et tous étant d’autre part électeurs. Tel est le régime parfait, heureusement mélangé de monarchie, par la prééminence d’un seul, d’aristocratie, par la multiplicité des chef vertueusement qualifiés, et de démocratie, ou de pouvoir populaire, du fait que de simples citoyens peuvent être choisis comme chefs, et que le choix des chefs appartient au peuple. Et tel fut le régime institué par la loi divine. En effet, Moïse et ses successeurs gouvernaient le peuple en qualité de chefs uniques et universels, ce qui est une caractéristique de la royauté. Mais les soixante-douze anciens étaient élus en raison de leur mérite : « Je pris dans vos tribus des hommes sages et considérés, et je les établis comme chefs » (Deutéronome 1 ; 15) ; voilà l’élément d’aristocratie. Quant à la démocratie, elle s’affirmait en ce que les chefs étaient pris dans l’ensemble du peuple : « Choisis parmi tout le peuple des hommes capables », etc. (Exode 18 ; 21) ; et que le peuple aussi les désignait : « Présentez, pris parmi vous, des hommes sages » (Deutéronome 1 ; 13). L’excellence des disposition légales est donc incontestable en ce qui touche à l’organisation des pouvoirs. […] La royauté est la forme la meilleure de gouvernement, si elle reste saine ; mais elle dégénère facilement en tyrannie, à cause du pouvoir considérable qui est attribué au roi, si celui qui détient un tel pouvoir n’a pas une vertu parfaite… » (Cf. Somme Théologique, Ia IIae, Question 105, Article 1).
[11] Léon XIII, Encyclique Au milieu des sollicitudes (16 février 1892) : « Avant de terminer notre Lettre, Nous voulons toucher à deux points connexes entre eux, et qui, se rattachant de plus près aux intérêts religieux, ont pu susciter parmi les catholiques quelque division. L’un d’eux est le Concordat qui, pendant tant d’années, a facilité en France l’harmonie entre le gouvernement de l’Église et celui de l’État. […] Nous ne tiendrons pas le même langage sur l’autre point, concernant le principe de la séparation de l’État et de l’Église, ce qui équivaut à séparer la législation humaine de la législation chrétienne et divine. Nous ne voulons pas nous arrêter à démontrer ici tout ce qu’a d’absurde la théorie de cette séparation ; chacun le comprendra de lui-même. Dès que l’État refuse de donner à Dieu ce qui est à Dieu, il refuse, par une conséquence nécessaire, de donner aux citoyens ce à quoi ils ont droit comme hommes ; car, qu’on le veuille ou non, les vrais droits de l’homme naissent précisément de ses devoirs envers Dieu. D’où il suit que l’État, en manquant, sous ce rapport, le but principal de son institution, aboutit en réalité à se renier lui-même et à démentir ce qui est la raison de la propre existence. Ces vérités supérieures sont si clairement proclamées par la voix même de la raison naturelle, qu’elles s’imposent à tout homme que n’aveugle pas la violence de la passion. Les catholiques, en conséquence, ne sauraient trop se garder de soutenir une telle séparation. »
[12] Dans son magistère, Léon XIII a même critiqué la devise du Grand Orient de France : « Liberté, égalité, fraternité », en déclarant notamment : « Que cette association [le tiers ordre de saint François] fasse donc tous les jours de nouveaux progrès. Un grand nombre de fruits peuvent en être attendus et le principal est de conduire les âmes à la liberté, à la fraternité et à l’égalité juridique, non selon l’absurde façon dont les francs-maçons entendent ces choses, mais telles que Jésus-Christ a voulu enrichir le genre humain et que saint François les a mises en pratique. Nous parlons donc ici de la liberté des enfants de Dieu au nom de laquelle Nous refusons d’obéir à des maîtres iniques qui s’appellent Satan et les mauvaises passions. Nous parlons de la fraternité qui nous rattache à Dieu comme au Créateur et Père de tous les hommes. Nous parlons de l’égalité qui, établie sur les fondements de la justice et de la charité, ne rêve pas de supprimer toute distinction entre les hommes… » (Cf. Encyclique Humanum Genus, 20 avril 1884).
[13] Léon XIII, Encyclique Humanum Genus (20 avril 1884) : « Mais puisque l’autorité inhérente à Notre charge Nous impose le devoir de vous tracer Nous-même la ligne de conduite que Nous estimons la meilleure, Nous vous dirons : En premier lieu, arrachez à la franc-maçonnerie le masque dont elle se couvre et faites la voie telle qu’elle est. Secondement, par vos discours et par vos lettres pastorales spécialement consacrées à cette question, instruisez vos peuples ; faites leur connaître les artifices employés par ces sectes pour séduire les hommes et les attirer dans leurs rangs, montrez leur la perversité de leur doctrine, et l’infamie de leurs actes. Rappelez-leur qu’en vertu des sentences plusieurs fois portées par Nos prédécesseurs, aucun catholique, s’il veut rester digne de ce nom et avoir de son salut le souci qu’il mérite, ne peut, sous aucun prétexte, s’affilier à la secte des francs-maçons. »
[14] Léon XIII, Encyclique Au milieu des sollicitudes (16 février 1892) : « Qu’en France, depuis plusieurs années, divers actes importants de la législation aient procédé de tendances hostiles à la religion, et par conséquent, aux intérêts de la nation, c’est l’aveu de tous, malheureusement confirmé par l’évidence des faits. Nous-même, obéissant à un devoir sacré, Nous en adressâmes des plaintes vivement senties à celui qui était alors à la tête de la République. […] En conséquence, jamais on ne peut approuver des points de législation qui soient hostiles à la religion et à Dieu ; c’est, au contraire, un devoir de les réprouver. »
[15] Grégoire XVI, Encyclique Mirari Vos (15 août 1832) : « Les droits divins et humains s’élèvent donc contre les hommes, qui, par les manœuvres les plus noirs de la révolte et de la sédition, s’efforcent de détruire la fidélité due aux princes et de les renverser de leurs trônes. C’est sûrement pour cette raison et pour ne pas se couvrir d’une pareille honte que, malgré les plus violentes persécutions, les anciens chrétiens ont cependant toujours bien mérité des empereurs et de l’empire ; ils l’ont clairement démontré non seulement par leur fidélité à obéir exactement et promptement dans tout ce qui n’était pas contraire à leur religion, mais encore par leur constance et par l’effusion même de leur sang dans les combats. »
[16] Léon XIII, Encyclique Au milieu des sollicitudes (16 février 1892) : « Inutile de rappeler que tous les individus sont tenus d’accepter les gouvernements et de ne rien tenter pour les renverser ou pour en changer la forme. De là vient que l’Église, gardienne de la plus vraie et de la plus haute notion sur la souveraineté politique, puisqu’elle la fait dériver de Dieu,a toujours réprouvé les doctrines et toujours condamné les hommes rebelles à l’autorité légitime. »
[17] Saint Paul : « Que toute âme soit soumise aux puissances supérieures, car il n’y a point de puissance qui ne vienne de Dieu ; et celles qui sont ont été établies de Dieu. C’est pourquoi qui résiste à la puissance résiste à l’ordre de de Dieu. Or, ceux qui résistent attirent sur eux-mêmes la condamnation… » (Cf. Épitre aux Romains, chapitre 13, versets 1 à 2).
[18] Léon XIII, Lettre Notre Consolation (3 mai 1892) : « C’est pour ces motifs et dans ce sens que Nous avons dit aux catholiques français : « Acceptez la République, c’est-à-dire le pouvoir constitué existant parmi vous, respectez-la ; soyez-lui soumis comme représentant le pouvoir venu de Dieu. » Mais il s’est trouvé des hommes appartenant à divers partis politiques, et même sincèrement catholiques, qui ne se sont pas exactement rendu compte de Nos paroles. Elles étaient pourtant si simples et si claires qu’elles ne pouvaient donner lieu, semblait-il, à de fausses interprétations. […] Après avoir solidement établi dans notre Encyclique cette vérité,Nous avons formulé la distinction entre le pouvoir politique et la législation,et Nous avons montré que l’acceptation de l’un n’impliquait nullement l’acceptation de l’autre ;dans les points où le législateur, oublieux de sa mission,se mettait en opposition avec la loi de Dieu et de l’Église. »
[19] Léon XIII, Encyclique Au milieu des sollicitudes (16 février 1892) : « Par conséquent, lorsque les nouveaux gouvernements qui représentent cet immuable pouvoir sont constitués, les accepter n’est pas seulement permis, mais réclamé, voire même imposé par la nécessité du bien social qui les a faits et les maintient. D’autant plus que l’insurrection attise la haine entre citoyens, provoque les guerres civiles et peut rejeter la nation dans le chaos de l’anarchie. »
[20] Saint Paul : « C’est aussi pour cela que vous payez le tribut ; car les princes sont les ministres de Dieu, le servant en cela même. Rendez donc à tous ce qui leur est dû : à qui le tribut, le tribut ; à qui l’impôt, l’impôt ; à qui la crainte, la crainte ; à qui l’honneur, l’honneur. » (Cf. Épitre aux Romains, chapitre 13, versets 6 à 7).
[21] Léon XIII, Encyclique Au milieu des sollicitudes (16 février 1892) : « Mais une difficulté se présente : « Cette république, fait-on remarquer, est animée de sentiments si antichrétiens que les hommes honnêtes, et beaucoup plus les catholiques, ne pourraient consciencieusement l’accepter. » Voilà surtout ce qui a donné naissance aux dissentiments et les a aggravés. On eût évité ces regrettables divergences, si l’on avait su tenir soigneusement compte de la distinction considérable qu’il y a entre Pouvoirs constitués et Législation. La législation diffère à tel point des pouvoirs politiques et de leur forme, que, sous le régime dont la forme est la plus excellente, la législation peut être détestable ; tandis qu’à l’opposé, sous le régime dont la forme est la plus imparfaite, peut se rencontrer une excellente législation. »
[22] Saint Augustin : « Parfois, en effet, les dignitaires sont bons et craignent Dieu, et parfois, ils ne le craignent point. Julien était un empereur infidèle, un apostat, un criminel idolâtre : des soldats chrétiens obéissaient à cet empereur infidèle ; mais quand ils s’agissait des intérêts du Christ, ils ne reconnaissaient que le maître du ciel. Quand on leur disait d’adorer les idoles, de leur offrir de l’encens, ils préféraient obéir au Seigneur ; mais leur disait-on : « Marchez en bataille contre tel peuple », ils obéissaient aussitôt. Ils distinguaient entre le maître éternel et le maître temporel ; et néanmoins, ils obéissaient au maître temporel à cause du maître éternel. » (Cf. Discours sur le Psaume CXXIV).
[23] Évangile selon Saint Luc, chapitre 20, verset 25 : « Rendez donc à César ce qui est à César et à Dieu ce qui est à Dieu. »