« Jeanne d’Arc combattant avec son étendard, puis appuyant contre son cœur la tête meurtrie de ce pauvre anglais, c’est là le véritable portrait de la France. La France, noble guerrière et fille de charité ! » [1]
Abbé Joseph Lemann.
Récupérée et instrumentalisée par les impies de tout bord politique – qu’ils soient de gauche ou de droite – la figure de Jeanne d’Arc n’a jamais été autant salie depuis ces dernières décennies. Loin des caricatures véhiculées par les ennemis de l’Église catholique, les valeurs portées par la pucelle d’Orléans constituent pourtant l’incarnation de tout ce que les anticléricaux détestent. Dans cet article, nous allons modestement tenter de redorer l’image de cette jeune femme qui, au risque de choquer les âmes les plus sensibles aux idées révolutionnaires, n’avait absolument rien d’une icône féministe… Pour se faire, nous allons retranscrire les moments les plus marquants de son procès, lesquels témoignent de sa foi inébranlable et de sa piété exemplaire (malgré son manque d’instruction évident sur tout ce qui touche à la constitution de l’Église).
- L’obéissance à l’Église :
Lors de la canonisation de Sainte Jeanne d’Arc, le pape Benoît XV a expliqué ce qui suit : « Jeanne, dans ses réponses, a déclaré à maintes reprises qu’elle voulait se soumettre en tout au jugement de l’Église catholique romaine, mais les juges ont insinué qu’elle devait se soumettre à eux-mêmes, en tant que représentants de l’Église. Lorsqu’on lui a demandé si elle voulait se soumettre au Pape, elle a répondu que oui, mais qu’elle ne voulait pas se soumettre aux juges qui y étaient présents, car ils étaient ses ennemis mortels. Cette réponse, que les juges eux-mêmes avaient prévue, était à la base de l’accusation, puisqu’on lui donnait le faux sens que Jeanne ne voulait pas se soumettre à l’Église. » [2]
En effet, les paroles mêmes de Jeanne d’Arc, ainsi que les dépositions de plusieurs témoins lors de son procès [3], confirment les assertions du souverain pontife…
11ème séance du procès (27 février 1431) :
Déposition de Guillaume Manchon, greffier :
« Maître Jean de Lafontaine fut le lieutenant de Mgr de Beauvais pour les interrogatoires, depuis le début du procès jusqu’à la semaine de Pâques. Pendant la Semaine Sainte, maître Jean de Lafontaine vint trouver Jeanne, accompagné de deux religieux de l’ordre des Frères Prêcheurs, frère Isambard de la Pierre et frère Martin Ladvenu, afin de la décider à se soumettre à l’Église, l’avertissant qu’elle devait croire et tenir que l’Église c’était le Pape et ceux qui président en l’Église militante ; qu’elle ne devait point hésiter à se soumettre au Souverain Pontife et au concile, vu que plusieurs notables clercs tant de son parti que d’ailleurs s’y trouvaient ; et que, si elle ne le faisait, elle se mettrait en grand danger. Le lendemain de cet avertissement, Jeanne dit qu’elle consentait à se soumettre au Pape et au concile. »
Déposition de maître Nicolas de Houppeville, maître des arts :
« Voici un bruit alors très répandu à Rouen. Certains personnages, racontait-on, se faisant passer pour des hommes d’armes du parti de Charles VII, furent introduits en secret auprès de Jeanne. Ils l’exhortaient à ne pas se soumettre à l’Église, si elle ne voulait courir le risque d’un jugement défavorable. On expliquait par leurs conseils ses variations sur le fait de la soumission à l’Église. Dans le nombre de ces émissaires qui, pour séduire Jeanne, feignaient d’appartenir au roi de France, j’entendis mentionner maître Nicolas Loyseleur. »
Déposition de Jean Massieu, huissier :
« D’après la rumeur commune, maître Nicolas Loyseleur, s’introduisant auprès de Jeanne, s’était fait passer pour prisonnier et, par cette feinte, l’avait induite à dire et à faire des choses à elle nuisibles, touchant la soumission à l’Église. J’ai moi-même souvenir qu’une fois Loyseleur fut commis au soin de conseiller Jeanne. Or, cet homme lui était contraire, voulant plutôt la décevoir que la conduire. »
12ème séance du procès (jeudi 1er Mars 1431) :
JEANNE : « De ce que je sais touchant ce procès, je vous dirai volontiers la vérité. Je vous en dirai autant que si j’étais devant le pape de Rome. »
L’INTERROGATEUR : « Que dites-vous touchant notre seigneur le pape et qui croyez-vous vrai pape ? »
JEANNE : « Il y en a donc deux ? »
L’INTERROGATEUR : « N’avez-vous pas reçu une lettre du comte d’Armagnac vous demandant auquel des trois papes il devait obéir ? »
JEANNE : « Le comte m’a bien écrit à ce sujet. Je répondis entre autres choses que quand je serais à Paris ou ailleurs, en repos, je lui écrirais. Je me disposais à monter à cheval quand je répondis ainsi au comte. »
L’INTERROGATEUR : « Voici une copie de la lettre du comte et de votre réponse. On va vous lire l’une et l’autre. »
« Ma très chère dame, je me recommande humblement à vous, et vous supplie, pour Dieu, que, attendu la division qui est actuellement en la sainte Église universelle, sur le fait des papes, — car il y a trois prétendants à la royauté, dont l’un demeure à Rome et se fait appeler Martin, auquel tous les rois chrétiens obéissent; un second demeure à Paniscole, au royaume de Valence, et se fait appeler pape Clément VII; le troisième, on ne sait où il demeure, sinon seulement le cardinal de Saint-Étienne, et peu de gens avec lui, et il se fait appeler Benoît XIV. Le premier qui se dit pape Martin fut élu à Constance du consentement de toutes les nations de chrétiens; celui qui se fait appeler Clément fut élu à Paniscole, après la mort du pape Benoît XIII, par trois de ses cardinaux; le troisième, qui se nomme Benoît XIV, fut élu secrètement par le cardinal de Saint-Etienne lui-même. Veuillez supplier Notre-Seigneur Jésus-Christ que, par sa miséricorde infinie, il nous veuille par vous déclarer qui est des trois susdits le vrai pape, et auquel il lui plaira qu’on obéisse dorénavant, ou à celui qui se dit Martin, ou à celui qui se dit Clément, ou à celui qui se dit Benoît. Nous serons tout prêts à faire le vouloir et plaisir de Notre-Seigneur Jésus-Christ. Tout vôtre. »
LE COMTE D’ARMAGNAC.
Lettre de Jeanne au comte d’Armagnac.
JHESUS + MARIA.
« Comte d’Armagnac, mon très cher et bon ami, moi, Jeanne la Pucelle, vous fais savoir que votre message est venu par devers moi, lequel m’a dit que vous l’aviez envoyé par deçà pour savoir de moi auquel des trois papes par vous mentionnés vous deviez croire. Je ne puis bonnement vous informer au vrai pour le présent, jusques à ce que je sois à Paris ou ailleurs de loisir. Je suis pour le présent trop empêchée au fait de la guerre. Mais, quand vous saurez que je serai à Paris, envoyez un messager par devers moi, et je vous ferai savoir tout au vrai auquel vous devez croire, et ce que j’en aurai su par le conseil de mon droiturier et souverain Seigneur, le Roi de tout le monde, et ce que vous en aurez à faire, à tout mon pouvoir. A Dieu je vous recommande, Dieu soit garde de vous. »
Écrit à Compiègne, le XXIIe jour d’août.
L’INTERROGATEUR : « La copie qui vient de vous être lue renferme-t-elle bien votre réponse ? »
JEANNE : « Je puis avoir fait cette réponse en partie, non le tout. »
L’INTERROGATEUR : « Avez-vous déclaré savoir par le conseil du Roi des rois ce que ledit comte devait faire en cette circonstance ? »
JEANNE : « Je n’en sais rien. »
L’INTERROGATEUR : « Faisiez-vous doute à qui le comte devait obéir ? »
JEANNE : « Je ne savais que mander au comte, parce qu’il me requérait de lui faire savoir à qui Dieu voulait qu’il obéît. Quant à moi, je tiens et crois que nous devons obéir à notre seigneur le pape qui est à Rome. »
L’INTERROGATEUR: « Est-ce là tout ? »
JEANNE : « Je dis au messager du comte autre chose que ce qui est contenu dans cette copie des lettres. Si cet envoyé ne se fût pas retiré aussitôt, il eût été jeté à l’eau, non toutefois par ma volonté. »
L’INTERROGATEUR : « Sur le fond de la question, que répondîtes-vous ? »
JEANNE : « Sur la question d’obédience, je répondis que je ne savais pas ; mais je lui mandai plusieurs choses qui ne furent point couchées par écrit. Pour moi, je crois au seigneur pape qui est à Rome. »
L’INTERROGATEUR : « Pourquoi avez-vous écrit que vous donneriez à un autre moment réponse sur la question, puisque vous croyez au pape qui est à Rome ? »
JEANNE : « Ma réponse avait trait à autre chose qu’au fait des trois souverains pontifes. »
L’INTERROGATEUR : « N’avez-vous pas dit que sur le fait des trois pontifes vous auriez conseil ? »
JEANNE : « En nom Dieu, je n’ai jamais écrit sur le fait des trois pontifes. »
L’INTERROGATEUR : « Aviez-vous l’habitude de mettre en tête de vos lettres Jhesus Maria avec une croix ? »
JEANNE : « Sur quelques-unes oui, sur d’autres non. Quelquefois je mettais une croix afin que mon correspondant ne fît pas ce que je lui demandais. »
L’INTERROGATEUR : « Voici maintenant en quels termes vous avez écrit au roi notre sire, au duc de Bedfort et à d’autres. »
L’INTERROGATEUR : « Reconnaissez-vous cette lettre ? »
JEANNE: « Oui, sauf trois mots. Au lieu de : rendez à la Pucelle, il faut [lire] : rendez au roi. Les mots chef de guerre et corps pour corps n’étaient pas dans la lettre que j’ai envoyée. »
L’INTERROGATEUR : « N’est-ce pas un seigneur qui vous a dicté cette lettre ? »
JEANNE : « Aucun seigneur ne m’a dicté cette lettre, c’est moi qui l’ai dictée. Avant de l’expédier, il est vrai que je l’ai montrée à quelques-uns de mon parti. »
47ème séance du procès (Mercredi 2 mai 1431) :
Déposition de frère Isambard de la Pierre, frère prêcheur :
« Jeanne avait dix-neuf ans environ, elle était ignorante, mais très intelligente. On lui fit subir des interrogatoires trop difficiles, subtiles et cauteleux à tel point que les grands clercs et gens bien lettrés qui étaient la présents n’y eussent donné réponse qu’à grande peine. Maintes fois elle répondait patiemment sur des points ou elle était profondément ignorante, ainsi qu’on peut le voir au procès que le greffier Manchon a rédigé avec impartialité. Parmi tant de choses qui se dirent au procès, je remarquai les réponses de Jeanne touchant le royaume et la guerre. Elle semblait alors inspirée par l’Esprit-Saint. Mais quand elle parlait de sa personne, elle accommodait certaines choses. Toutefois, je ne crois pas que ce qu’elle dit la dût faire condamner pour hérésie. L’interrogatoire durait parfois pendant trois heures le matin, et on tenait une deuxième séance l’après-midi. Aussi ai-je entendu souvent Jeanne se plaindre de ce qu’on lui faisait trop de questions. Selon moi les juges respectaient tellement les formes du droit. Mais dans la déduction du procès comme dans la sentence, ils procédèrent par malignité de vengeance plus que par zèle de justice. L’ignorance de Jeanne touchant l’Église fut, je crois, la cause qui la retenait de s’y soumettre. Pendant une grande partie du procès, quand on la questionnait sur sa soumission à l’Église, Jeanne entendait par là, la réunion des juges et assesseurs là présents. Mais enfin Pierre Morice l’endoctrina [4] sur l’Église. Dès qu’elle le sut, elle fit toujours acte de soumission envers le pape, ne demandant qu’à être conduite vers lui. Un jour en ma présence, on sollicitait Jeanne de se soumettre à l’Église. Elle répondit qu’elle se soumettrait volontiers au Saint-Père, requérant d’être menée à lui, mais qu’elle ne voulait pas se soumettre à ceux qui étaient là, en particulier à l’évêque de Beauvais, parce qu’ils étaient ses ennemis capitaux. Je pris la parole pour lui conseiller de se soumettre au concile général de Bâle en ce moment réuni. Jeanne me demanda ce qu’était un concile général. Je lui répondis que c’était une congrégation de toute l’Église, et que là il y avait autant de prélats et de docteurs de son parti que de l’autre. Alors Jeanne se mit à dire : « Oh ! puisqu’en ce lieu sont aucuns de notre parti, je veux bien me rendre et soumettre au concile de Bâle. » Aussitôt me reprenant avec grand dépit et irritation, l’évêque de Beauvais s’écria : « Taisez-vous de par le diable. » Pour lors, le greffier, messire Guillaume Manchon, demanda à l’évêque s’il devait enregistrer cette soumission de Jeanne au concile de Bâle. L’évêque lui dit que non, que ce n’était pas nécessaire; qu’il se gardât bien de l’écrire. Sur quoi Jeanne dit à l’évêque : « Ha! vous écrivez bien ce qui fait contre moi, et vous ne voulez pas écrire ce qui fait pour moi. » Je crois en effet que la déclaration de Jeanne ne fut pas enregistrée et il s’ensuivit dans l’assemblée un grand murmure. À cause de cela et d’autre chose, les Anglais et leurs officiers me menacèrent horriblement, disant que si je ne me taisais, ils me jetteraient à la Seine. Je fus particulièrement menacé par le comte de Warwick. »
56ème séance du procès (Mercredi 30 mai 1431) :
Déposition de frère Martin Ladvenu, frère prêcheur :
« Le matin de ce jour qui était un mercredi, tandis que j’étais avec Jeanne pour la préparer au salut, l’évêque de Beauvais et quelques chanoines de Rouen entrèrent : Quand elle vit l’évêque, Jeanne lui dit : « Vous êtes cause de ma mort, vous m’aviez promis de me mettre aux mains de l’Église et vous m’avez remise aux mains de mes pires ennemis. » Près de sa fin elle disait encore à l’évêque : « Hélas je meurs par vous, car si vous m’eussiez donnée à garder aux prisons d’Église, je ne serais pas ici. » Au lieu de procéder régulièrement, on s’en tint à la sentence épiscopale et il n’y eut pas de sentence laïque. C’est là un fait dont je suis certain, car je ne quittai pas Jeanne depuis sa sortie du château jusqu’au moment où elle rendit l’esprit. »
- La pureté des mœurs :
Concernant la tenue vestimentaire, Saint Thomas d’Aquin enseignait la chose suivante : « Nous l’avons dit, la toilette extérieure doit être en rapport avec la condition de la personne, conformément aux usages communément reçus. C’est pourquoi il est de soi vicieux qu’une femme mette des vêtements masculins, ou l’inverse ; et principalement parce que cela peut être une cause de débauche. C’est spécialement interdit par la loi, parce que les païens utilisaient de tels changements de vêtements pour se livrer à la superstition idolâtrique. Parfois cependant, lorsqu’il y a nécessité, cela peut se faire sans péché : ou bien pour se cacher des ennemis, ou bien par manque d’autres vêtements, etc. » [5]
Cette citation du saint docteur prouve clairement qu’en temps de guerre, il est permis à une femme de porter des vêtements d’hommes du moment que cette tenue respecte les normes de la décence. Ainsi, en vertu du principe d’épikie selon lequel la nécessité rend licite ce qui est illicite, nous pouvons dire que Jeanne d’Arc n’a pas violé la loi divine qui défend de se travestir (Deutéronome 22 ; 5), car elle avait choisi ses habits, non pas pour se livrer à la débauche, mais pour éviter de susciter la concupiscence des autres hommes.
11ème séance du procès (27 février 1431) :
L’INTERROGATEUR : « Dieu vous a-t-il prescrit de prendre l’habit d’homme ? »
JEANNE: « Le fait de l’habit est peu de chose et des moindres. Je n’ai pris cet habit par le conseil d’aucun homme qui soit au monde. Je n’ai pris cet habit ni fait quoi que ce soit, que du commandement de Dieu et des anges. »
L’INTERROGATEUR : « Ce commandement à vous fait de prendre l’habit d’homme est-il licite ? »
JEANNE : « Tout ce que j’ai fait, c’est par commandement de Notre-Seigneur. S’il me commandait d’en prendre un autre, je le prendrais, puisque ce serait par le commandement de Dieu. »
53ème séance du procès (jeudi 24 mai 1431)
Déposition de frère Isambard de la Pierre, frère prêcheur :
« Lorsque, malgré sa renonciation, Jeanne eut repris l’habit d’homme, plusieurs autres et moi l’entendirent se justifier de ce fait, protestant publiquement que les Anglais lui avaient fait en la prison beaucoup de tort et de violence quand elle portait les vêtements de femme. Je la vis éplorée, le visage plein de larmes et défigurée et changée, de telle sorte que j’en eus pitié et compassion. On la déclara devant tous hérétique obstinée et relapse; elle dit très haut : « Si vous, messeigneurs de l’Église, m’eussiez conduite et gardée en vos prisons, par aventure il n’en eût pas été ainsi. » Jeanne avait demandé à être conduite aux prisons de l’Église. On le lui refusa. Je tiens de sa propre bouche qu’elle se trouva en butte à une tentative de viol de la part d’un lord anglais. C’est pour ce motif et en vue de pouvoir résister plus efficacement, disait-elle, qu’elle avait repris l’habit d’homme. On avait eu d’ailleurs l’habileté de laisser son vêtement tout près d’elle dans sa prison. Jeanne fut, sur le fait de l’habit, déclarée relapse. En sortant d’auprès d’elle, l’évêque de Beauvais disait aux Anglais qui attendaient dehors : « Farewell (adieu) ; faites bonne chère ; c’est fait. » Moi-même je vis et entendis l’évêque quand il se réjouissait avec les Anglais et disait devant tout le monde au comte de Warwick et à d’autres: « Elle est pincée ». »
56ème séance du procès (30 mai 1431) :
Déposition de frère Martin Ladvenu, frère prêcheur :
« La Pucelle me révéla qu’après son abjuration, on l’avait tourmentée violemment en la prison, molestée et battue, et qu’un lord anglais avait tenté de la violer. Elle disait publiquement et elle me dit à moi que c’était la cause pour laquelle elle avait repris l’habit d’homme. »
Notons d’ailleurs que – sur le plan des mœurs – Jeanne fut irréprochable. Nous savons en effet que la Pucelle a fait tout ce qui était en son pouvoir, non seulement pour préserver sa chasteté, mais aussi celle des hommes de son armée.
11ème séance du procès (27 février 1431) :
Déposition de frère Jean Pasquerel, aumônier de Jeanne :
« On m’a dit que quand Jeanne vint au roi, elle fut, à deux reprises, visitée par des femmes. On voulait savoir ce qu’il en était d’elle, si elle était homme ou femme, déshonorée ou vierge. Elle fut trouvée femme, mais vierge et pucelle. Elle fut notamment visitée, paraît-il, par la dame de Gaucourt et par la dame de Trèves.
Au moment où Jeanne entrait au château de Chinon pour aller parler au roi, un cavalier se mit à dire : « N’est-ce pas là la Pucelle ? Jarnidieu ! si je l’avais une nuit, je ne la rendrais pas telle que je l’aurais prise. — Ha ! lui dit Jeanne, en nom Dieu, tu le renies et tu es si près de la mort ! » Moins d’une heure après cet homme tomba dans l’eau et se noya. Je tiens ce fait de la bouche de Jeanne et de plusieurs autres personnes qui déclaraient avoir été présentes. […]
Le soir, après souper, Jeanne me dit qu’il faudrait le lendemain me lever plus tôt que je n’avais fait le jour de l’Ascension et que je la confesserais de très grand matin.
En conséquence, le lendemain vendredi, je me levai dès la pointe du jour ; je confessai Jeanne et je chantai la messe devant elle et tous ses gens. Puis, elle et les hommes d’armes allèrent à l’attaque, qui dura du matin jusqu’au soir. Ce jour-là, la bastille des Augustins fut prise après un grand assaut.
Jeanne, qui avait l’habitude de jeûner tous les vendredis, ne le put cette fois parce qu’elle avait eu trop à faire. Ainsi elle soupa. Elle venait d’achever son repas lorsque vint à elle un noble et vaillant capitaine dont je ne me rappelle pas le nom. Il dit à Jeanne : « Les capitaines ont tenu leur conseil. Ils ont reconnu qu’on était bien peu de Français, eu égard au nombre des Anglais, et que c’était par une grande grâce de Dieu qu’ils avaient obtenu quelques avantages. La ville étant pleine de vivres, nous pouvons tenir en attendant le secours du roi. Dès lors le conseil ne trouve pas expédient que les hommes d’armes fassent demain une sortie. » Jeanne répondit: «Vous avez été à votre conseil ; j’ai été au mien. Or, croyez que le conseil de mon Seigneur s’accomplira et tiendra et que le vôtre périra. » Et s’adressant à moi qui étais près d’elle : « Levez-vous demain de très grand matin, encore plus, que vous ne l’avez fait aujourd’hui, et agissez le mieux que vous pourrez. Il faudra vous tenir toujours près de moi, car demain j’aurai fort à faire et plus ample besogne que je n’ai jamais eue. Et il sortira demain du sang de mon corps au-dessus du sein. »
Donc, le lendemain samedi, dès la première heure, je me levai et célébrai la messe. Puis Jeanne alla à l’assaut de la bataille du Pont où était l’Anglais Clasdas (Glasdale). L’assaut dura depuis le matin jusqu’au coucher du soleil sans interruption. A cet assaut, l’après-dîner, Jeanne, comme elle l’avait prédit, fut frappée, d’une flèche au-dessus du sein. Quand elle se sentit blessée, elle craignit et pleura, et puis fut consolée, comme elle disait.
Quelques hommes d’armes la voyant ainsi blessée voulurent la charmer. Mais elle refusa, et dit : « J’aimerais mieux mourir que de faire chose que je susse être un péché, ou contraire à la volonté de Dieu. Je sais, bien que je dois mourir un jour ; mais je ne sais ni quand, ni où, ni comment, ni à quelle heure. S’il peut être apporté remède à ma blessure sans péché, je veux bien être guérie. » On appliqua sur la blessure de l’huile d’olive dans du lard ; et ce pansement fait, Jeanne se confessa à moi en pleurant et se lamentant. »
Déposition de Jean Marcel, bourgeois de Paris :
« Voici un fait que je tiens de Jeannotin Simon, tailleur de robes. Madame la duchesse de Bedford ayant fait faire pour Jeanne une tunique de femme, Jeannotin, au moment où il se disposait à l’en revêtir, prit Jeanne doucement par le sein. Cela indigna Jeanne qui envoya à Jeannotin une maîtresse gifle. »
Déposition du chevalier Agmond de Macy :
« J’ai vu Jeanne emprisonnée au château de Beaucroix, je l’ai vue souvent dans la prison et lui ai souvent parlé. Il m’arriva même, jouant avec elle, de chercher à toucher ses tétons en tâchant de lui glisser ma main dans le sein. Mais elle ne le supportait pas et me rudoyait si fort qu’elle pouvait. C’était une fille qui se comportait honnêtement tant en paroles qu’en actes. »
Déposition de Simon Beaucroix, écuyer :
« Elle ne pouvait tolérer que les femmes de mauvaise vie chevauchassent dans l’armée avec les hommes d’armes. Aucune n’eût osé se trouver en sa présence. Dès qu’elle en rencontrait, elle les forçait à partir, à moins que nos hommes ne voulussent les épouser. J’ajouterai que Jeanne voyait avec déplaisir et douleur que certaines bonnes femmes vinssent à elle pour la saluer. Cela lui semblait une espèce d’adoration et elle s’en irritait. C’est tout ce que je sais. »
Déposition de l’illustre et très puissant prince de Jean, duc d’Alençon :
« Jeanne était chaste et elle haïssait fort cette espèce de femmes qui suivent les armées. Un jour, à Saint-Denis, au retour du sacre du roi, je la vis qui poursuivait une jeune prostituée l’épée à la main ; elle brisa même son épée dans cette poursuite. »
Déposition de Louis de Coules, dit Magot ou Imerguet seigneur de Noyvon et de Reugles :
« Jeanne ne voulait pas de femmes dans l’armée. Un jour, près de Château-Thierry, ayant aperçu, montée sur un cheval, une femme qui était la maîtresse d’un homme d’armes, elle se mit à la poursuivre l’épée à la main. L’ayant atteinte, elle ne la frappa point, mais l’avertit avec douceur et charité de ne plus se trouver dorénavant dans la compagnie des hommes d’armes ; sinon, elle lui en donnerait regret. »
Ajoutons également que, malgré sa beauté, Jeanne éteignait miraculeusement la concupiscence des hommes qui l’entouraient…
Déposition du noble homme Jean de Novelompont, dit Jean de Metz, guide de Jeanne :
« En route, Bertrand et moi nous reposions chaque nuit avec elle. Jeanne dormait à côté de moi, serrée dans son habit d’homme. Elle m’inspirait un tel respect que jamais je n’eusse osé la solliciter à mal ; et je puis bien vous jurer que jamais je n’eus pour elle de pensée mauvaise ni de mouvement charnel. J’avais foi entière dans cette pucelle. J’étais enflammé par ses paroles et par l’amour divin qui était en elle. »
Déposition du noble homme Bertrand de Poulengy, écuyer du roi, guide Jeanne :
« Les nuits suivantes, Jeanne couchait à nos côtés près de Jean de Metz et moi, tout habillée, avec une couverture sur elle et gardant ses chausses liées à son justaucorps. J’étais jeune pour lors et cependant je ne ressentis contre cette fille aucun désir coupable, aucun appétit charnel, tant la bonté que je voyais en elle m’inspirait de révérence. Pendant les onze jours que dura le voyage, nous eûmes bien des angoisses. Mais Jeanne nous disait toujours: « Ne craignez rien. Vous verrez comme à Chinon le gentil dauphin nous fera bon visage. » En l’entendant parler, je me sentais tout enflammé. Elle était pour moi une envoyée de Dieu. Je n’ai jamais rien vu de mal chez Jeanne. Elle fut toujours bonne comme si elle eût été une sainte. »
Déposition de Gobert Thibault, écuyer :
« À l’armée, Jeanne était toujours avec les hommes. d’armes. J’ai ouï dire par beaucoup qui vivaient en sa familiarité que jamais ils ne ressentirent de concupiscence pour elle, alors même qu’ils avaient parfois la volonté d’être incontinents. Jamais ils ne présumèrent mal d’elle. La concupiscence, croyaient-ils, ne pouvait l’offenser. Assez souvent ils parlaient des péchés de la chair et il était prononcé des paroles capables d’allumer les sens. Voyaient-ils Jeanne, approchaient-ils de sa personne, ils ne pouvaient prolonger l’entretien ; bien plus, ils perdaient soudain tout appétit charnel. Sur ce point j’ai interrogé force gens à qui il est arrivé d’être couchés de nuit en compagnie de Jeanne. Ils me répondaient conformément à la déposition que vous venez d’entendre, et ils m’assuraient que jamais, à la vue de Jeanne, ils n’avaient éprouvé de désir charnel. »
Déposition de l’illustre et très puissant prince de Jean, duc d’Alençon :
« Quelquefois, à l’armée, j’ai couché avec elle à la paillade, à côté d’autres hommes d’armes ; j’ai pu la voir quand elle mettait son armure, et de temps en temps je voyais ses seins qui étaient fort beaux ; mais jamais je n’eus de désir charnel à son sujet. »
Déposition de Dunois, le bâtard d’Orléans :
« Maintenant, de la vie de Jeanne, de ses mœurs et de sa tenue au milieu des hommes d’armes, je n’ai que du bien à dire. Jamais il n’y eut plus sobre qu’elle. Le seigneur d’Aulon, chevalier, aujourd’hui sénéchal de Beaucaire, qui, vu sa grand sagesse et honnêteté, avait été mis par le roi à côté de Jeanne quasi pour veiller sur elle, m’a dit plusieurs fois qu’il ne croyait pas qu’aucune femme pût être plus chaste que Jeanne ne l’était. Ni les autres ni moi, quand nous étions près d’elle, nous n’avions de pensée mauvaise. Selon moi, il y avait là quelque chose de divin. »
- La piété :
À l’heure où la vertu de religion est de plus en plus méprisée, Jeanne d’Arc brillait par sa constance dans la dévotion ; et ce, malgré les tourments qu’elle a dû subir. En effet, non seulement la Pucelle avait l’habitude d’aller à la Messe, mais de plus, elle se confessait régulièrement.
8ème séance du procès (21 février 1431) :
PIERRE CAUCHON : « Que vous a-t-on appris ? »
JEANNE : « Ma mère m’a appris Pater noster, Ave Maria, Credo. Je n’ai appris ma créance d’aucun autre que de ma mère. »
PIERRE CAUCHON : « Dites votre Pater noster. »
JEANNE : « Entendez-moi en confession, je vous le dirai volontiers. »
PIERRE CAUCHON : « Derechef, je vous requiers de dire votre Pater noster. »
JEANNE : « Je ne vous dirai point Pater noster, à moins que vous ne m’écoutiez en confession. »
PIERRE CAUCHON : « Une troisième fois, je vous requiers de dire Pater noster. »
JEANNE : « Je ne vous dirai Pater noster qu’en confession. »
PIERRE CAUCHON : « Volontiers, nous vous donnerons un ou deux notables hommes de la langue de France, devant lesquels vous direz Notre Père. »
JEANNE : « Je ne leur dirai que s’ils m’entendent en confession. »
9ème séance du procès (22 février 1431) :
Déposition de Jean Morel, laboureur, parrain de Jeanne :
« Elle connaissait sa croyance et savait son Pater et son Ave aussi bien qu’aucune de ses pareilles. »
Déposition de Colin, laboureur :
« Jeannette apportait des cierges et était très dévote à Dieu et à la sainte Vierge, si bien que mes camarades et moi, qui alors étions jeunes, nous nous moquions d’elle à cause de sa dévotion. Jeanne était bonne travailleuse. Elle veillait à la nourriture des bestiaux, s’occupait volontiers de ceux de son père, filait, faisait le ménage, allait à la charrue, bêchait et, son tour venu, gardait les bêtes. Je me souviens d’avoir entendu dire par feu notre curé de ce temps-là, messire Guillaume Fronte, que Jeannette était une bonne catholique et qu’il n’avait jamais vu ni ne possédait meilleure qu’elle dans la paroisse. »
Déposition de Dunois, le bâtard d’Orléans :
« Chaque jour, Jeanne avait coutume, le soir, à la tombée de la nuit, de se retirer dans une église. Elle faisait sonner les cloches à peu près une demi-heure et réunissait les religieux mendiants qui suivaient l’armée du roi. Alors elle se mettait en oraison et faisait chanter par les frères mendiants une antienne en l’honneur de la bienheureuse Vierge, mère de Dieu. »
Déposition de noble homme Bertrand de Poulengy, écuyer du roi, guide de Jeanne :
« Elle se confessait souvent, jusqu’à deux fois en une semaine, communiait et était fort pieuse. »
Déposition de Perrin le drapier, ancien marguillier et sonneur de cloches :
« Jeannette est née à Domrémy de Jacques d’Arc et d’Isabellette. Les deux époux étaient de bons catholiques et d’honnêtes laboureurs, estimés de tout le monde. Jeannette fut baptisée à Saint-Remy, l’église paroissiale du village… Depuis le premier âge, dès qu’elle eut connaissance jusqu’à son départ de la maison de son père, Jeannette fut une fillette bonne, chaste, simple, réservée, ne jurant ni Dieu, ni ses saints, craignant Dieu, fréquentant l’église et allant à confesse. Je sais bien ce que je dis, car en ce temps-là j’étais marguillier de l’église de Domrémy, et souvent je voyais Jeannette y venir à la messe ou aux complies. »
Déposition de messire Etienne de Sionne, curé de Roncessey-sous-Neufchâteau :
« Plusieurs fois j’ai ouï dire par Guillaume Fronte, en son vivant curé de Domrémy, que Jeannette était une bonne et simple fille, dévote, bien éduquée, craignant Dieu, telle enfin qu’il n’y avait pas sa pareille dans le village. Elle lui confessait souvent ses péchés. Le même curé me disait que, si Jeannette eût eu de l’argent, elle le lui aurait donné pour faire dire des messes. Chaque jour, quand il était à l’autel, elle assistait à la messe. »
Déposition de noble homme Jean de Novelompont, dit Jean de Metz, guide de Jeanne :
« Pendant la route, Jeanne eût été bien aise d’ouïr toujours la messe. « Si nous pouvions ouïr la messe, disait-elle, nous ferions bien. » Mais, par crainte d’être reconnus, nous ne l’entendîmes que deux fois. En vérité, je crois que Jeanne ne pouvait qu’être envoyée de Dieu, car elle ne jurait jamais, elle aimait ouïr la messe, elle se signait dévotement, se confessait souventes fois et se montrait zélée à faire l’aumône. »
Déposition de noble homme Bertrand de Poulengy, écuyer du roi, guide de Jeanne :
« Pendant le voyage, elle nous disait qu’il serait bien d’entendre la messe. Mais tant que nous étions en pays ennemi, nous ne pouvions. Il ne fallait pas être reconnu. »
11ème séance du procès (27 février 1431) :
Déposition de Gobert Thibault, écuyer :
« Jeanne était une bonne chrétienne, assidue à la messe où elle assistait tous les jours et faisant fréquemment la communion. »
Déposition de Raoul de Gaucourt, grand maître d’hôtel du roi :
« Elle se confessait souvent, vaquait assidûment à l’oraison, entendait chaque jour la messe et faisait des communions fréquentes. »
Déposition de demoiselle Marguerite la Touroulde, veuve de maître René de Bouligny conseiller du roi :
« Jamais je ne vis ni ne pus soupçonner en elle rien de mauvais. Elle se gouvernait en honnête femme et bonne catholique. Elle se confessait très souvent, aimait à assister à la messe et maintes fois me demanda de l’accompagner à Matines, où j’allai et la conduisis à plusieurs reprises, sur ses instances. »
Déposition de Catherine, femme de Henri le Roger, charron à Vaucouleurs :
« Elle allait volontiers à la messe et à confesse. Je puis le dire, car je l’ai menée à l’église et l’ai vue se confesser à messire Jean Fournier, qui était pour lors curé de Vaucouleurs. »
Déposition de frère Jean Pasquerel, aumônier de Jeanne :
« Jeanne était très dévote envers Dieu et la bienheureuse Marie. Elle se confessait presque chaque jour et communiait fréquemment. Quand elle était en un lieu où il y avait un couvent de mendiants, elle me disait de lui remémorer les jours où les petits enfants des mendiants recevaient le sacrement de l’Eucharistie, pour qu’elle communiât avec eux. Et c’était son plaisir de communier avec les petits enfants des mendiants. Quand elle se confessait, elle pleurait. »
Déposition de l’illustre et très puissant prince Jean, duc d’Alençon :
« Je l’ai vue maintes fois recevoir le corps du Christ. À la vue du corps de Notre-Seigneur, elle se prenait souvent à pleurer avec une grande abondance de larmes. Elle communiait deux fois la semaine et se confessait fréquemment. »
Déposition de maître Pierre Compaing, chanoine d’Orléans :
« Je n’ai rien à ajouter aux précédents témoins, sauf que j’ai vu Jeanne, pendant la messe, verser des larmes en abondance au moment de l’élévation. Je me souviens parfaitement qu’elle amenait les hommes d’armes à confesser leurs péchés. Moi qui parle, j’ai vu La Hire se confesser à son instigation et par son conseil. Plusieurs autres de sa société firent de même. »
Déposition de Louis de Coules, dit Magot ou Imerguet seigneur de Novyon et de Reugles, page de Jeanne :
« Autant que j’ai pu la connaître, Jeanne était une bonne et prude femme, vivant catholiquement. Elle aimait beaucoup à entendre la messe et elle n’y manquait jamais, sauf les cas d’impossibilité. »
Déposition de Charlotte Bouchier, femme Havet :
« D’habitude, avant d’aller à un assaut, Jeanne ne manquait pas de se confesser et de communier après avoir entendu la messe. »
56ème séance du procès (30 mai 1431) :
Déposition de frère Martin Ladvenu, frère prêcheur :
« Avec la permission des juges, avant le prononcé de la sentence, j’entendis Jeanne en confession et je lui administrai le corps de Notre-Seigneur. Elle le reçut avec grande dévotion et beaucoup de larmes. Son émotion était telle que je ne saurais l’exprimer. […] Je puis attester la grande et admirable contrition de Jeanne, sa continuelle confession et repentance. Elle prononçait toujours le nom de Jésus et elle invoquait dévotement l’aide des saints et saintes du paradis. »
- Le blasphème :
Dans nos sociétés sécularisées où le blasphème a été sacralisé, le moins que l’on puisse dire, c’est que si Jeanne d’Arc était encore de ce monde aujourd’hui, elle ne serait jamais devenue une partisante de la liberté d’expression. Et pour cause, car lors de son procès, de nombreuses personnes ont témoigné que la Pucelle n’hésitait pas à réprimander les hommes qui injuriaient Dieu.
11ème séance du procès (27 février 1431) :
Déposition de Raoul de Gaucourt, grand maitre d’hôtel du roi :
« Elle ne souffrait pas qu’on proférât devant elle des paroles de blasphèmes. »
Déposition de Raoul de Gaucourt, grand maître d’hôtel du roi :
« Elle ne souffrait pas qu’on proférât devant elle des paroles vilaines ou des blasphèmes, et elle montrait par ses discours et par ses actes combien elle avait de telles choses en horreur. »
Déposition de Louis de Coules, dit Magot ou Imerguet seigneur de Novyon et de Reugles , page de Jeanne :
« Elle était très fâchée quand elle entendait blasphémer Dieu et jurer. Je sais que souvent, quand monseigneur le due d’Alençon jurait ou disait quelque parole blasphématoire, Jeanne le reprenait. En général, dans l’armée, personne n’eût osé jurer ou blasphémer devant elle, par crainte de ses réprimandes. »
Déposition du frère Séguin, frère prêcheur, examinateur de Jeanne à Poitiers :
« Quand elle entendait jurer en vain le nom de Dieu, elle était très en colère. Ceux qui juraient ainsi lui faisaient horreur. Elle disait à La Hire, qui était coutumier de tels jurements et reniait souvent le nom de Dieu : « Ne jurez plus et quand vous voudrez renier Dieu, reniez votre bâton. » Depuis, en effet, quand il se trouvait en présence de Jeanne, La Hire ne jurait plus que par son bâton. »
Déposition de Gobert Thibault, écuyer :
« Elle se fâchait fort quand elle entendait jurer. « C’est là un bon signe » disait à ce propos le confesseur du roi qui s’enquérait avec sollicitude de sa vie et de ses faits et gestes. »
Déposition de l’illustre et très puissant prince Jean, duc d’Alençon :
« Elle s’irritait aussi grandement quand elle entendait jurer les hommes d’armes et elle les grondait avec véhémence. Elle me grondait moi en particulier, car il m’arrivait de jurer. Mais quand je la voyais, je cessais mes jurements. »
Déposition de Réginalde, veuve de Jean Huré :
« Voici une chose que je me souviens d’avoir vue et ouïe. Un jour, un seigneur marchand en pleine rue se mit à jurer honteusement et à, renier Dieu. Jeanne fut témoin et entendit tout. Cela la troublait fort. S’étant aussitôt avancée vers le seigneur qui jurait, elle le prit par le cou et lui dit : « Ah ! maître, osez-vous renier notre Sire et notre Maître ? En nom Dieu, vous vous en dédirez avant que je parte d’ici. » Aussi pressé, le seigneur se repentit et s’amenda. Voilà ce que j’ai vu. »
- L’amour des ennemis :
La charité de Sainte Jeanne d’Arc se mesure à l’amour qu’elle avait pour ses ennemis. « Ne te réjouis pas sur ton ennemi mort, » – nous dit l’Écriture – « sachant que tous nous mourrons, et que nous ne voulons pas devenir un sujet de joie. » (L’ecclésiastique 8 ; 8). Cette maxime fut parfaitement mise en pratique par la Pucelle, qui a toujours su faire preuve de compassion envers les Anglais.
11ème séance du procès (27 février 1431) :
Déposition de Louis de Coules, dit Magot ou Imerguet seigneur de Novyon et de Reugles, page de Jeanne :
« Le lendemain, tous les Anglais qui étaient autour d’Orléans se retirèrent à Beaugeacy et à Meung. L’armée du roi, avec Jeanne, alla les y chercher. Offre fut faite de rendre Beaugency honorablement ou de combattre. Mais le jour du combat venu, les Anglais décampèrent de Beaugency. Les gens du roi les poursuivirent avec Jeanne. La Hire conduisit l’avant-garde ; de quoi Jeanne fut fort contrariée ; car elle désirait avoir la charge de l’avant-garde. La Hire tomba sur les Anglais. On se battit. La victoire fut à nous. Presque tous les Anglais furent tués. Jeanne, qui était très compatissante, eut grand pitié d’une telle boucherie. Voici un trait qui le prouve. Un Français qui menait quelques Anglais prisonniers venait de frapper l’un d’eux à la tête si fortement que l’homme tomba comme mort. À cette vue, Jeanne mit pied à terre, et fit confesser l’Anglais, en lui soutenant la tête et en le consolant selon son pouvoir. »
Déposition de frère Jean Pasquerel, aumônier de Jeanne :
« C’est en ce jour de l’Ascension que Jeanne écrivait aux Anglais retranchés en leurs bastilles en cette manière : « Vous, hommes d’Angleterre, qui n’avez aucun droit en ce royaume de France, le Roi des cieux vous mande et ordonne par moi Jehanne la Pucelle, que vous quittiez vos bastilles et retourniez en vos pays. Sinon je ferai de vous un tel baba qu’il y en aura perpétuelle mémoire. Voilà ce que je vous écris pour la troisième et dernière fois, et je ne vous écrirai plus. Ainsi signé : « JHÉSUS MARIA, Jehanne la Pucelle. »
« Je vous aurais envoyé mes lettres plus honnêtement ; mais vous retenez mes hérauts ; vous avez retenu mon héraut Guyenne. Veuillez me le renvoyer et je vous renverrai quelques-uns de vos gens qui ont été pris à la bastille Saint-Loup ; car ils ne sont pas tous morts. »
La lettre écrite, Jeanne prit une flèche, attacha au bout la missive avec un fil et ordonna à un archer de la lancer aux Anglais en criant : «, Lisez, ce sont nouvelles ». La flèche arriva aux Anglais avec la lettre. Ils lurent la lettre, puis ils se mirent à crier avec très, grandes clameurs « Ce sont nouvelles de la putain des Armagnacs. » À ces mots, Jeanne se mit à soupirer et à pleurer beaucoup, invoquant le Roi des cieux à son aide. Bientôt elle fut consolée, parce que, disait-elle, elle avait eu des nouvelles de son Seigneur. […]
Ensuite, elle retourna derechef à l’assaut, en criant : « Clasdas, Clasdas, rends-toi, rends-toi au Roi des cieux ! Tu m’as appelée putain ; j’ai grande pitié de ton âme et de celle des tiens. » A cet instant Clasdas, armé de la tête aux pieds, tomba dans le fleuve de la Loire et fut noyé. Jeanne, émue de pitié, se mit à pleurer fortement pour l’âme de Clasdas et des autres, noyés là en grand nombre. »
Précisons enfin que certains ennemis de Jeanne – qui avaient souhaité sa mort – sont décédés dans des circonstances assez troublantes, conformément à la justice divine.
11ème séance du procès (27 février 1431) :
Déposition de Guillaume Boisguillaume, greffier :
« Maître Nicolas Loyseleur, se feignant cordonnier, originaire des marches de Lorraine et prisonnier du parti de Charles VII, entrait de temps en temps dans la prison de Jeanne et l’exhortait à ne pas donner créance à tous ces gens d’Eglise, « car, lui disait-il, si tu leur donnes créance, tu seras détruite ». Je crois que l’évêque de Beauvais était bien au courant ; sans cela Loyseleur n’eût pas osé agir comme il fit. Beaucoup d’assesseurs au procès en murmuraient. Ce Loyseleur finit par mourir de mort subite dans une église.
C’est de façon semblable que maître Jean d’Estivet s’introduisit dans la prison de Jeanne. Il se fit passer pour prisonnier comme avait fait Loyseleur. Ce d’Estivet eut la fonction de promoteur, et, dans l’affaire, il se montra très passionné en faveur des Anglais, auxquels il voulait plaire. C’était d’ailleurs un mauvais homme, cherchant sans cesse querelle aux greffiers et à ceux qui procédaient suivant les cas de justice. Il lançait force injures à Jeanne, l’appelant paillarde, ordure. Je crois bien que c’est Dieu qui le punit en la mort, car la sienne fut misérable. On le trouva dans un bourbier aux portes de Rouen.
En outre, j’ai ouï dire comme un fait constant que tous ceux qui condamnèrent Jeanne périrent misérablement. Ainsi maître Nicolas Midi fut frappé de la lèpre peu de jours après, et l’évêque Cauchon mourut subitement tandis qu’on le rasait. »
En conclusion, Sainte Jeanne d’Arc mérite pleinement son statut de martyre, car elle est morte pour la justice et la vérité de la foi catholique.
56ème séance du procès (Mercredi 30 mai 1431) :
Déposition de frère Isambard de la Pierre, frère prêcheur :
« A son dernier jour, Jeanne se confessa et communia. La sentence ecclésiastique fut ensuite prononcée. Ayant assisté à tout le dénouement du procès, j’ai bien et clairement vu qu’il n’y eut pas de sentence portée par le juge séculier. Celui-ci était à son siège, mais il ne formula pas de conclusion. L’attente avait été longue. A la fin du sermon, les gens du roi d’Angleterre emmenèrent Jeanne et la livrèrent au bourreau pour être brûlée. Le juge se borna à dire au bourreau, sans autre sentence : « Fais ton office. »
Frère Martin Ladvenu et moi suivîmes Jeanne et restâmes avec elle jusqu’aux derniers moments. Sa fin fut admirable tant elle montra grande contrition et belle repentance. Elle disait des paroles si piteuses, dévotes et chrétiennes que la multitude des assistants pleurait à chaudes larmes. Le cardinal d’Angleterre et plusieurs autres Anglais ne purent se tenir de pleurer ; l’évêque de Beauvais, même lui, versa quelques pleurs.
Comme j’étais près d’elle, la pauvre pucelle me supplia humblement d’aller à l’église prochaine et de lui apporter la croix pour la tenir élevée tout droit devant ses yeux jusqu’au pas de la mort, afin que la croix où Dieu pendit, fût, elle vivante, continuellement devant sa vue.
C’était bien une vraie et bonne chrétienne. Au milieu des flammes, elle ne s’interrompit pas de confesser à haute voix le saint nom de Jésus, implorant et invoquant l’aide des saints du paradis. En même temps elle disait qu’elle n’était ni hérétique, ni schismatique comme le partait l’écriteau. Elle m’avait prié de descendre avec la croix, une fois le feu allumé, et de la lui faire voir toujours. Ainsi je fis. A sa fin, inclinant la tête et rendant l’esprit, Jeanne prononça encore avec force le nom de Jésus. Ainsi signifiait-elle qu’elle était fervente en la foi de Dieu, comme nous lisons que le firent saint Ignace d’Antioche et plusieurs autres martyrs. Les assistants pleuraient.
Un soldat anglais qui la haïssait mortellement avait juré qu’il mettrait de sa propre main un fagot au bûcher de Jeanne. Il le fit. Mais à ce moment, qui était celui où Jeanne expirait, il l’entendit crier le nom de Jésus. Il demeura terrifié et comme foudroyé. Ses camarades l’emmenèrent dans une taverne près du Vieux-Marché pour le ragaillardir en le faisant boire. L’après-midi, le même Anglais confessa en ma présence à un frère prêcheur de son pays, qui me répéta ses paroles, qu’il avait gravement erré, qu’il se repentait bien de ce qu’il avait fait contre Jeanne, qu’il la réputait maintenant bonne et brave pucelle ; car au moment où elle rendait l’esprit dans les flammes il avait pensé voir sortir une colombe blanche allant du côté de la France.
Le même jour, l’après-midi, peu de temps après l’exécution, le bourreau vint au couvent des frères prêcheurs trouver frère Martin Ladvenu et moi. Il était tout frappé et ému d’une merveilleuse repentance et angoissante contrition. Dans son désespoir il redoutait de ne jamais obtenir de Dieu indulgence et pardon pour ce qu’il avait fait à cette sainte femme. « Je crains fort d’être damné, nous disait-il, car j’ai brûlé une sainte. »
Ce même bourreau disait et affirmait que nonobstant l’huile, le soufre et le charbon qu’il avait appliqués contre les entrailles et le cœur de Jeanne, il n’avait pu venir à bout de consumer et réduire en cendres ni les entrailles ni le cœur. Il en était très perplexe, comme d’un miracle évident. »
Pour finir, nous laisserons le mot de la fin au pape Benoît XV : « Que les yeux de tous les chrétiens se tournent maintenant vers la nouvelle sainte qui, pour accomplir les ordres divins, abandonna sa famille, abandonna les occupations féminines, prit les armes et mena les soldats au combat : elle ne craignit ni les menaces de mort ni la sentence injuste qui la condamna à être brûlée. Se sachant innocente, et non hérétique, sorcière, apostate et relaps, entourée de flammes, elle offrit des prières et des supplications et répéta qu’elle avait tout fait par la volonté de Dieu, jusqu’à ce que, trouvant la force en voyant la croix, elle rende l’esprit. Mais cette justice, qui manquait dans le procès à cause de la passion téméraire des hommes, ne se fit pas attendre, et le Souverain Pontife put bientôt restaurer complètement la gloire de Jeanne d’Arc, dont l’exemple est devant les yeux de tous ceux qui endurent des souffrances injustes, afin qu’ils attendent avec un cœur serein la réparation du Juge juste et éternel. » [6]
[1] Jeanne d’Arc et les héroïnes juives. Panégyrique prononcé dans la cathédrale de Sainte Croix le 8 mai 1873, p. 22
[2] Bulle Divina disponente (16 mai 1920).
[3] Les différentes dépositions citées dans cet article sont extraites du compte rendu de son procès (traduit par le R.P Dom H. Leclerc) : https://www.bibliotheque-monastique.ch/bibliotheque/bibliotheque/saints/jeanne/index.htm
[4] À l’époque, le terme « endoctriner » n’avait rien de péjoratif. Il signifiait simplement : enseigner une doctrine.
[5] Somme théologique, IIa IIae, Question 169, Article II.
[6] Bulle Divina disponente (16 mai 1920).