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Saint Thomas a-t-il nié l’Immaculée Conception ?

Par Pierre Joly
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« La doctrine de Saint Thomas a, plus que toutes les autres, le droit canon excepté, l’avantage de la propriété des termes, de la mesure dans l’expression, de la vérité des propositions, de telles sorte que ceux qui la possèdent ne sont jamais surpris hors du sentier de la vérité et quiconque l’a combattue a toujours été suspect d’erreur. » [1]

Innocent VI

L’un des arguments préférés des adversaires de Saint Thomas d’Aquin – qui cherchent à amoindrir son autorité – consiste à l’accuser d’avoir nié l’Immaculée Conception.

Loin de nous l’idée de soutenir que ce saint docteur était infaillible.

Nous connaissons évidemment la célèbre phrase du pape Benoît XIV qui disait : « Le jugement de l’Église est préférable à celui même d’un docteur renommé pour sa sainteté et ses enseignements. » [2]

Le docteur angélique écrivait de même : « Ce qui possède la plus haute autorité, c’est la pratique de l’Église à laquelle il faut s’attacher jalousement en toutes choses. Car l’enseignement même des docteurs catholiques tient son autorité de l’Église. Il faut donc s’en tenir plus à l’autorité de l’Église qu’à celle d’un Augustin ou d’un Jérôme ou de quelque docteur que ce soit. » [3]

Mais une chose est de dire que Saint Thomas d’Aquin n’était pas infaillible, autre chose est de dire qu’il a nié une vérité de la foi catholique comme l’Immaculée Conception, qui d’ailleurs, ne fut définie comme dogme par Pie IX que par la suite, au XIXème siècle. 

Cette calomnie honteuse fut brillamment réfutée par Saint Jean Eudes en ces termes : « Si vous prétendez que saint Thomas ait parlé contre cette très pure Conception, dans ses Commentaires sur le chapitre troisième de l’Épître aux Galates, leçon sixième, et dans la troisième partie de sa Somme, question 27, article 2, on vous répondra que tant s’en faut que ce saint Docteur ait écrit les choses qui se lisent aujourd’hui dans ces livres sur ce sujet, que l’on voit tout le contraire dans plusieurs anciennes impressions. Car, premièrement, dans ses Commentaires sur le chapitre troisième de l’Épître aux Galates, leçon sixième, il dit : « Que tous les enfants d’Adam sont conçus en péché, excepté la très pure et très digne Vierge Marie, qui a été entièrement préservée de tout péché originel et véniel. » Ces paroles se voient dans les impressions des dits Commentaires, qui se gardent depuis plus de six cent vingt ans dans la bibliothèque de la Compagnie de Jésus, à Vienne en Dauphiné ; et dans l’édition de l’an 1529, qui est chez les Pères Minimes de Toulouse ; et chez Henrique, Jésuite, lib. 3 Summa, cap. 11, littera M ; et chez Pineda, in cap. 7 Ecclesiastis, v. 29, n. 8 ; et dans l’impression de Paris de l’année 1542, qui se garde dans la bibliothèque du Collège de Bourges, de la même Compagnie, là où Honorat Niquet, Jésuite, assure avoir vu et lu les mêmes Commentaires de saint Thomas sur l’Épître aux Galates, des susdites impressions de Venise et de Paris, dans lesquelles saint Thomas parle en la manière que je viens de dire. Secondement, le même saint Thomas, en sa troisième Partie, quest. 27, art. 2, parle en cette manière : « La bienheureuse Vierge a été sanctifiée dès le ventre de sa mère, lorsque son âme a été unie avec son corps. » Ces paroles se lisent dans un livre fort ancien, qui se garde dans un couvent de Saint-François, proche les murailles de Séville. Et le dit Honorat, religieux très vertueux et très digne de foi de la Compagnie de Jésus, assure qu’il a vu et lu un livre dans leur bibliothèque de Bourges, que j’ai vu et lu aussi dans la bibliothèque du collège de Caen, de la même Compagnie, et dans celle de notre séminaire de Coutances, et que l’auteur de ce livre, nommé Joannes Bromiardus, qui vivait en l’an 1260, selon les chroniques de l’Ordre de Saint-Dominique, alléguant saint Thomas dans sa troisième Partie, quest. 27, article 2, sur la Conception de la bienheureuse Vierge, lui fait dire les mêmes paroles que nous venons de rapporter, à savoir qu’elle a été exempte du péché originel et du péché véniel. En troisième lieu, Bernardinus de Bustis [Lect. 1 octavae officii Conceptionis], Salmeron [Epist. ad Rom., disp. 51], et Canisius [Lib. 1 de B. Virg., cap. 6], écrivent qu’autrefois saint Thomas, écrivant sur la Salutation angélique (Opusc. 4,), parlait en cette façon : « Marie a toujours été très pure de toute sorte de coulpe, parce que ni le péché originel, ni le mortel, ni le véniel, n’ont jamais eu aucune part en elle » ; Maria purissima fuit quantum ad omnem culpam, quia nec originale, nec mortale, nec veniale peccatum incurrit. Et le Cardinal de Turrecremata, quoiqu’il tienne l’opinion opposée, reconnaît néanmoins que ces paroles sont de saint Thomas. Et cependant on trouve maintenant tout le contraire dans ce lieu du même Saint, aussi bien que dans les autres précédents sur l’Épître aux Galates, et dans sa troisième Partie. Quelle conséquence peut-on tirer de toutes ces choses, sinon que tous ces lieux de saint Thomas, dans lesquels on voit maintenant une doctrine opposée à celle qui y était dans les anciennes impressions, sinon qu’on y a apporté de l’altération et du changement ? Aussi lisons-nous chez Théophile Raynaud, de la Compagnie de Jésus, que dans une impression qui se fit à Anvers, des œuvres de saint Thomas, en l’année 1613 [Tract. de Concept], chez un libraire nommé Joannes Keerbergius, celui qui la faisait faire fut accusé devant le Pape Paul V, par un docteur d’Espagne appelé Bernardus de Thoro, qui s’employait pour lors à Rome pour l’affaire de la Conception immaculée de la Reine du ciel : accusé, dis-je, d’avoir corrompu ce que saint Thomas a dit en faveur de cette très pure Conception, dans ses Commentaires sur le premier livre des Sentences, dont nous avons parlé ci-dessus ; et que Sa Sainteté l’en ayant repris et puni sévèrement, il changea le feuillet qui contenait ce qui était dépravé. Après cela, si vous nous faites voir quelque autre lieu, dans les livres de saint Thomas, où il semble parler contre la Conception immaculée de notre divine Mère, nous aurons droit de le soupçonner de corruption, vu particulièrement que ce saint Docteur s’explique si clairement dans ses Commentaires sur le premier des Sentences [In dist. 17, quest. 2, art. 4] où il dit que la bienheureuse Vierge a été pure de tout péché, et qu’elle a possédé le souverain degré de la pureté, c’est-à-dire, qu’elle est, comme dit saint Anselme, la plus éclatante pureté qui se puisse imaginer, après la pureté infinie de Dieu : Pervenit ad summum puritatis. Et sur le premier encore des Sentences, il parle le même langage qu’il a tenu dans les lieux sus allégués, avant le changement qu’on y a fait. Voici ces paroles : « On peut trouver quelque créature si pure, qu’il ne puisse rien être de plus pur parmi les choses créées. Telle a été la pureté de la bienheureuse Vierge, qui a été exempté de tout péché originel et actuel. » [In I Sent., dist. 44, quaest 1, art 3]. Potest aliquid creatum inveniri, quo nihil purius esse potest in rebus creatis. Et talis fuit puritas beatae Virginis, quae a peccato originali et actuali fuit immunis. » [4]  

En conclusion, le seul moyen de rendre justice au plus grand docteur de l’Église, c’est de rappeler que les livres contenant certains passages contraires à l’Immaculée Conception ont été falsifiés et que ce saint docteur a plusieurs fois écrit en faveur de cette vérité révélée (bien avant que celle-ci soit définie par Pie IX en 1854). Ainsi, pour paraphraser le pape Innocent VI, nous pouvons constater que ceux qui ont possédé la doctrine de Saint Thomas d’Aquin n’ont pas été surpris hors du sentier de la vérité et que ceux qui l’ont combattu (en falsifiant ses écrits) sont tombés dans l’erreur.


Pour aller plus loin :
-“Saint Thomas d’Aquin et l’immaculée conception” : dossier complet recensant diverses études réfutant l’idée que saint Thomas aurait nié l’Immaculée Conception : https://philosophieduchristianisme.wordpress.com/2014/01/09/s-thomas-daquin-et-limmaculee-conception/

[1] Sermon de S. Thoms. Cité dans l’encyclique Aeterni Pastris du pape Léon XIII du 4 août 1879. 

[2] Encyclique Apostolica Constitutio (26 juin 1749).

[3] Somme théologique IIae, Question 10, Article 12.

[4] Œuvres complètes de saint Jean Eudes, Tome 5, éd. Beauchesne et Cie, p. 121-129

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