La dévotion à la Sainte Face de Notre Seigneur, un remède pour notre temps
« Seigneur, montrez votre Face et nous serons sauvés » ( , 19)
Pourquoi la dévotion à la Sainte Face de Notre Seigneur s’applique particulièrement à notre temps ?
La dévotion à la Saint Face n’est pas nouvelle. On pourrait dire que le culte de la douloureuse Face de Notre Seigneur Jésus-Christ a commencé quand Véronique se présenta à la rencontre de Notre Seigneur sur le Chemin du Calvaire : Véronique, s’avança vers Jésus compatissante, lui essuya, avec un mouchoir, son visage ruisselant de sueur, de sorte que l’empreinte de sa Face adorable y resta imprimée en traits sanglants.
Officiellement cependant, la dévotion à la Sainte-Face de Jésus-Christ ne fut approuvée par le Pape Léon XIII qu’au XIXème siècle, par un bref datant du 1er octobre 1885. Ce bref érigeait l’association diocésaine de Tours connue sous le nom de Confrérie de la Sainte Face, en Archiconfrérie pour toute l’Eglise. Cette confrérie avait vu le jour grâce au zèle de Léon Papin-Dupont, qui lui-même s’inspirait des révélations spéciales de la sœur Marie de Saint-Pierre à ce sujet, dont il avait eu connaissance.
Pour comprendre le sens de cette dévotion, il est utile de se référer à l ’ordonnance publiée le 25 octobre 1884 pour l’érection de cette Confrérie de la Sainte-Face par Mgr Guillaume-René Meignan, l’archevêque de Tours.
Dans ce texte Mgr Meignan y décrit ce culte comme « un moyen très propre à développer la vraie et solide piété en faisant connaître et aimer davantage la personne et les mystères de la vie et de la Passion de Notre-Seigneur Jésus-Christ, et en même temps un remède salutaire très efficace pour guérir ou réparer les maux de notre société contemporaine, tels que l’indifférence en matière de religion, la profanation des choses saintes, l’impiété sacrilège des libres penseurs et des francs-maçons »
Mgr Meignan énonce donc un double objet : un acte d’adoration et un acte de réparation. D’ailleurs, ces deux objets sont énoncés explicitement dans les statuts de l’Archiconférie . Ces derniers stipulent que l’objet de cette dévotion est d’:
« 1°Offrir à Notre-Seigneur-Jésus-Christ, devant son aimable et douloureuse Face représentée sur le voile de sainte Véronique les hommages d’adoration et d’amour compatissants qui lui sont dus ; »
et de
« 2° S’exciter par la vénération de cette antique et sainte Effigie à faire des actes de foi, de piété, de zèle et de pénitence propres à empêcher ou à expier les outrages inouïs que l’impiété moderne inflige à la majesté de Dieu, à la divinité de Notre-Seigneur et à l’autorité de l’Eglise. »
C’est ce deuxième objet, « l’expiation des outrages » qui fait de ce culte une dévotion particulièrement adaptée à notre époque marquée par l’apostasie et le rejet de la religion. C’est sur cet aspect qu’insiste d’ailleurs l’Abbé Janvier dans l’ouvrage qu’il consacra à ce sujet, publié en 1895: « Manuel de l’Archiconfrérie de la Sainte-Face », publié initialement en 1895 et qui vient d’être republié par les éditions Saint-Rémi. ((Manuel de l’Archiconfrérie de la Sainte-Face. Abbé Jean-Pierre (( ))
Dans le chapitre intitulé « NOTIONS GÉNÉRALES SUR LE CULTE RENDU A LA SAINTE – FACE DANS L’ARCHICONFRÉRIE » l’abbé Janvier écrit en effet :
« Les hommages que nous rendons à la Face endolorie du Rédempteur ont un but éminemment pratique et tout à fait d’actualité. Il s’agit d’offrir à la majesté divine offensée une juste réparation pour les outrages inouïs que l’impiété de notre époque ne craint pas, soit en secret, soit en public, d’infliger à la souveraineté de Dieu, à la divinité de Jésus-Christ, à tout ce qui est religieux et sacré. Parmi les crimes particuliers au temps où nous vivons, nous devons compter le blasphème et la profanation du dimanche. »
Manuel de l’Archiconfrérie de la Sainte-Face revue Abbé Jean-Pierre
Notons que la notion de blasphème évoquée par l’Abbé Janvier ne se limite pas au blasphème proprement dit, qui consiste dans la profanation de Dieu, mais qu’il l’entend de manière beaucoup plus large.
Ainsi dans son texte L’Abbé Janvier explique que le blasphème, chez l’homme moderne, peut prendre de nombreuses formes « : Non content d’outrager le Nom suradorable du Dieu trois fois saint, le blasphémateur moderne attaque Dieu personnellement ; il poursuit le Christ dans la vérité de sa doctrine, dans la morale de son Évangile, dans la pratique de ses sacrements, dans les droits et l’existence même de son Église » ((Manuel de l’Archiconfrérie de la Sainte-Face revue Abbé Jean-Pierre ))
On peut donc ainsi distinguer :
-le blasphème doctrinal : toute attaque contre la vérité de la doctrine du Christ est aussi un blasphème. Cette forme de blasphème est particulièrement présente dans les doctrines de la Franc-Maçonnerie et dans les discours politiques publics qui sont aujourd’hui imprégnés de ces mêmes doctrines : laïcisme, indifférentisme religieux, libéralisme, rationalisme, naturalisme…
-le blasphème moral : il y a blasphème moral lorsqu’on nie les vérités morales enseignées dans l’Evangile et par la voix du Magistère de l’Eglise : par exemple aujourd’hui en proclamant un prétendu droit à l’avortement ou en autorisant le mariage civil entre personnes de même sexe.
-le blasphème contre les sacrements : la violation du dimanche, le non-respect des fêtes de précepte, la communion dans la main, la communion autorisée aux personnes adultères voire aux infidèles comme c’est le cas désormais malheureusement dans l’église conciliaire aujourd’hui.
-Le blasphème contre les droits de l’Eglise : lorsque l’Etat a interdit par exemple les messes pendant le confinement il s’agissait d’une atteinte gravissime aux droits de l’Eglise. L’Etat a totalement outrepassé le champ de son autorité (limité au domaine temporel) et empiété sur le domaine spirituel qui est réservé à l’Eglise.
-Le blasphème contre l’Eglise elle-même : le chemin de croix inclus dans ce Manuel de l’Archiconfrérie y fait explicitement référence en évoquant les « blasphémateurs et impies qui se jouent de la faiblesse apparente de l’Église qui l’outragent dans sa doctrine et la persécutent dans ses ministres. Outrager l’Église, outrager le Saint-Père, outrager les prêtres et les religieux, outrager les serviteurs de Dieu et les bons catholiques, c’est frapper Jésus au visage, c’est meurtrir sa Face adorable. » A notre époque, l’Eglise et les prêtres font aujourd’hui régulièrement l’objet d’attaques, de moqueries de calomnies dans les médias la littérature, et le cinéma. Les attaques ne sont pas que verbales, s’ajoutent désormais les profanations et dégradations de lieux de culte et cimetières. En 2021 le service central du renseignement territorial (SCRT) a recensé par exemple 857 actes anti-chrétiens dont près des trois-quarts seraient des dégradations d’églises ou des profanations de cimetières, (( ))
La multiplication de ces blasphèmes contre Dieu a nécessairement des conséquences, ils appellent des châtiments :
« Évidemment de tels désordres, si contraires à l’économie fondamentale de la religion, bouleversent en même temps l’ordre moral de la société, ruinent la famille par sa base, provoquent la vengeance du ciel. » (( Manuel de l’Archiconfrérie de la Sainte-Face revue Abbé Jean-Pierre JANVIER 1895 ))
Pour apaiser la colère divine des actes de réparation sont nécessaires. La célébration de la Sainte Messe est le principal bien sûr, mais le culte de la Sainte Face est un autre acte de réparation que nous pouvons faire : « Le moyen de réparer efficacement les crimes dont nous venons de parler se trouve d’une manière aussi touchante qu’admirable dans le culte de la sainte Face » (( Manuel de l’Archiconfrérie de la Sainte-Face revue Abbé Jean-Pierre JANVIER 1895 ))
La glorification et l’hommage à la Sainte Face a toujours existé dans l’histoire de l’Eglise. Le propre de la dévotion à la Sainte Face tel qu’il fut conçu par l’Archiconfrérie fut de lui associer cette dimension réparatrice qui semble si nécessaire étant donnée la multiplication des insultes individuelles et sociales commises envers Dieu à notre époque.
« attacher à ce culte déjà si consolant une idée réparatrice , établir un rapport direct entre le genre de crime qui outrage la plus la souveraine Majesté de Dieu et le genre d’insulte qui a le plus ignominieusement défiguré la Face de Jésus-Christ , voilà ce qui date de notre temps , ce qui caractérise la nouvelle Archiconfrérie . Il fallait, dans le blasphème et la profanation des choses saintes, un degré de scandale et de perversité inouï jusqu’alors pour faire envisager à la piété chrétienne la Face de Jésus, et ouvrir ainsi une voie efficace à la réparation. »
Manuel de l’Archiconfrérie de la Sainte-Face revue Abbé Jean-Pierre JANVIER 1895
C’est grâce aux lumières spéciales reçues par la soeur Marie de Saint-Pierre et à l’action de M. Dupont que le culte de la Sainte Face acquit cet aspect de réparation explique l’Abbé Janvier. C’est leur action et leur zèle pour cette dévotion qui ont permis de comprendre qu’à des besoins nouveaux il fallait un nouveau remède ». Le sens de cette dévotion est en effet d’offrir la Face de Notre Seigneur, le Fils au Père céleste afin qu’il la regarde et pardonne les péchés des hommes que le Christ a expié par sa Passion.
Dans cette dévotion particulière, le fait de contempler le visage souffrant du Christ a une efficacité spirituelle propre : elle nous excite à la componction, à la compassion et à la reconnaissance vis-à vis du sacrifice opéré par le Christ pour notre salut :
« On ne peut considérer sans un profond sentiment de componction ce front ensanglanté du Sauveur, ces yeux gonflés et à demi clos, ce visage livide et meurtri. Sur la joue droite, outre les blessures, on distingue comme l’empreinte du gantelet de fer de la main qui le frappa si cruellement dans la maison d’Anne, et, sur l’autre joue, plusieurs souillures de crachats. Le nez est écrasé et saignant, la bouche ouverte et pleine de sang ; les dents sont ébranlées, la barbe et les cheveux arrachés en plusieurs endroits. Ainsi altérée et déformée, la très sainte Face de Jésus n’en présente pas moins, dans son ensemble, un mélange ineffable de grandeur, de compassion, d’amour et de tristesse, qui impressionne tous ceux qui la regardent. Sous ces plaies sanglantes et ces crachats ignobles, l’âme chrétienne reconnaît la majesté de son Dieu, et, touchée de repentir à la vue de cette saisissante expiation de ses ingratitudes, elle s’abandonne sans réserve à une douce confiance et à un ardent amour pour son cher Rédempteur. »((Manuel de l’Archiconfrérie de la Sainte-Face. Abbé Jean-Pierre JANVIER 1895 ))
En honorant ainsi la Face de Notre Seigneur, sur les pas de Sainte Véronique qui fut la première à l’honorer ainsi, les personnes qui se voueront à ce culte se rendent utiles à l’Eglise, à la société aux âmes explique l’Abbé Janvier. En faisant cet acte de réparation pour les autres elles y gagneront de grandes grâces et des bénédictions personnelles.
Aspects historiques : comment la dévotion à la sainte Face de Notre Seigneur se développa au XIXème siècle
Cette dévotion commença à se développer à partir de l’année 1851. Notre-Seigneur se servit pour cela principalement de deux personnages d’une sainteté remarquable : l’un M. Dupont, mort en 1876 qui consacra sa foi et sa piété au service de cette cause ; l’autre une religieuse carmélite de Tours, la sœur Marie de Saint Pierre, morte en 1848, à laquelle Notre Seigneur a révélé combien cette dévotion lui est chère et combien elle est avantageuse à ceux qui s’y livrent.
M. Dupont rapporte dans une lettre un événement miraculeux qui nous fait comprendre les origines de l’intérêt particulier que cette dévotion rencontra en ce siècle :
« Au mois de janvier 1849, pendant l’exil de Pie IX à Gaète des prières publiques, d’après les ordres du Saint Père, eurent lieu dans toutes les églises de Rome pour implorer la miséricorde du Tout-Puissant sur l’Etat pontifical. A cette occasion on exposa, à Saint-Pierre, le bois de la vraie croix et le voile de sainte Véronique. Or, sur ce voile on ne distingue presque plus les traits sacrés de Notre-Seigneur Jésus-Christ. Le troisième jour de l’exposition, le voile se colora de lui-même, et la figure de Notre-Seigneur se montra toute vivante au milieu d’une douce lumière. Les chanoines qui étaient de garde auprès de la sainte relique firent immédiatement avertir le clergé de la basilique ; on sonna les deux bourdons, le peuple accourut. L’impression la plus inexprimable était sur tous les visages ; beaucoup pleuraient, et tous étaient comme frappés du prodige. Un notaire apostolique fut appelé, un acte fut dressé pour constater le fait ; la copie de l’acte a été envoyée au Saint Père à Gaète. Pendant plusieurs jours on ne s’entretint à Rome que de cet étonnant prodige, qui dura trois heures. Le soir de ce prodige, on fit toucher quelques voiles en soie blanche, sur lesquels est représentée la sainte Face, au voile miraculeux. Ces voiles doivent être envoyés en France.»
(Extrait d’une lettre de M. Dupont.)
En effet c’est à la suite de l’événement qui vient d’être rapporté que s’introduisit l’usage d’envoyer en France des copies authentiques du voile de sainte Véronique.
M. Dupont eut l’idée d’en placer une de manière ostensible dans son salon, alluma devant elle une lampe pour y brûler jour et nuit, et ne cessa pendant vingt-cinq ans de l’honorer et d’obtenir par elle des grâces et des faveurs signalées en tout genre pour les personnes qui venaient le visiter chez lui. Il a rapporté dans ses écrits les nombreux miracles de guérisons ou de conversions qui se produisirent ainsi grâce à cette dévotion.
La Providence s’est également visiblement servie de la sœur Marie de Saint-Pierre à laquelle elle apprit combien cette dévotion lui était agréable. La Sœur Marie de Saint-Pierre eut un certain nombre de révélations sur la dévotion à la Sainte Face de Notre Seigneur qu’elle mit par écrit sur l’ordre de ses supérieures. M. Dupont avait eu connaissance de ces révélations.