Qu’est-ce que la charité? Sa nature, ses exigences.

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“On ne devra jamais l’oublier, l’amour chrétien a un nom qui n’appartient qu’à lui et qui fait toute sa noblesse, comme aussi sa force incomparable : il s’appelle amour-charité.”

Abbé François Dantec. FOYERS RAYONNANTS – VOLUME I : FÉCONDS ET UNIS. 1953

La nature de la charité

A l’encontre de l’amour égoïste, la charité est désintéressement et oubli de soi, dévouement et don de soi aux autres : en face de l’amour-possession, elle est l’amour-don, l’amour-dévouement.

Cet amour-dévouement est une vertu surnaturelle : elle est une force qui vient de Dieu, et l’homme seul serait incapable d’un seul acte de vraie charité; en outre elle voit dans les autres non pas de simples créatures, mais des enfants de Dieu, des frères et des membres de Jésus-Christ. « Tout ce que vous aurez fait au plus petit d’entre les miens, c’est à moi-même que vous l’aurez fait » (Mtth, 25,40).

La charité n’est pas une vertu facile, mais, au contraire, une vertu très difficile, parce qu’elle doit être constante (non pas seulement une heure sur vingt-quatre, ni une semaine (la « semaine de bonté » !) sur cinquante-deux; et aussi parce qu’elle doit être universelle : la charité qui se limite volontairement à telle personne ou à telle classe ou à telle nation est une fausse charité… Difficile aussi à cause de cet égoïsme qui est en chacun d’entre-nous et dont nous n’aurons jamais fini d’extirper les dernières racines.

Si la charité est une vertu difficile, il ne faut pas s’attendre à l’acquérir sans efforts : la charité n’est pas une vertu toute-donnée mais une vertu à acquérir. On ne naît pas charitable, on le devient. Et si on manque encore si souvent à la charité, il ne faut pas se décourager, ni même s’en étonner : car une charité parfaite c’est une sainteté parfaite; et qui se croirait parfait en charité se croirait, par le fait même, déjà digne des honneurs de la sainteté ! (…)

Les exigences de la charité

Enfin la charité est une vertu très complexe : quelle erreur de penser qu’il suffirait de quelques « actes de charité » pour vivre dans l’esprit de la charité chrétienne. Celle-ci, qui est la maîtresse et la reine de toutes les vertus, comporte un grand nombre d’exigences. On ne peut pas songer à une énumération complète. Mais il faut dire que la vraie charité présuppose toutes les autres vertus, aussi bien naturelles que surnaturelles (il n’y a pas de vraie charité sans vraie justice, ni vraie tempérance, ni sans vraie foi, ni sans espérance…) Et de plus, la vraie charité est un monde aux mille visages; sous peine de n’être plus qu’une caricature et peut-être une trahison de la vraie charité elle doit revêtir un ensemble de qualités qu’on pourrait appeler ses inséparables compagnes. Ces qualités doivent être à la fois dans le cœur, dans l’esprit et dans les actes.

Dans le cœur (c’est la charité « affective »), c’est un esprit de pardon et de sympathie (qui est une promptitude à prendre part aux joies et aux peines des autres) ; c’est une véritable tendresse, tout opposée à la dureté et à l’indifférence et c’est surtout une attitude habituelle de bienveillance, faite d’un désir constant et brûlant, d’une inquiétude inassouvie, d’une hantise du bien à faire. En somme, un cœur qui, de plus en plus, ne batte que pour les autres.

Dans l’esprit (c’est la charité « attentive »), la charité exige une vigilante attention (être toujours en éveil) non seulement pour discerner les besoins des autres, mais encore pour s’ingénier à découvrir les moyens les plus aptes à les soulager. C’est en ce sens qu’on a pu dire que la charité est une vertu de l’intelligence, et que Saint Augustin a parlé des « yeux de la charité ».

Dans les actes (c’est la charité « agissante ») c’est d’abord une patience et une douceur inlassables; c’est aussi une entière « disponibilité », qui est la vertu du bon accueil, de l’affabilité et de la bonté souriante; c’est enfin un dévouement sans bornes qui se penche sur toutes les misères, corporelles et spirituelles, pour les soulager, sur toutes les peines pour les adoucir, sur tous les besoins et sur tous les fardeaux pour en prendre sa part et les alléger. ((On voit combien la charité est une vertu positive, c’est à-dire tout orientée vers le bien à faire. Se croire quitte envers la charité sous prétexte qu’on ne veut ou qu’on ne fait de mal à personne, c’est se faire de la charité chrétienne une misérable caricature. La splendeur d’un plein midi d’été est tout de même autre chose que l’absence de nuit et de froid… La Règle d’or de l’Evangile est une loi de charité positive ;
« Tout ce que vous voulez que les hommes vous fassent faites-le leur aussi vous-mêmes» (Mtth. 7, 12). ))

Quiconque a mesuré l’importance, absolument première, de cette charité devra l’avoir toujours en singulière estime. Mais s’il réfléchit à sa nature et à toutes ses exigences, il comprendra aussi tout ce qu’il faut pour la conquérir : et de recours à Dieu dans la prière et dans les sacrements, et d’esprit de foi pour voir toujours le Christ dans tous les autres — et d’efforts et de luttes pour l’extirpation progressive de ses défauts et l’acquisition, également progressive, de toutes les vertus — de constance et de courage en dépit des échecs et des lenteurs — , et enfin, d’exercices répétés, d’actes de charité, parce que la charité ne progresse que par l’exercice de la charité.

Programme impressionnant ? Peut-être, mais exaltant aussi : la charité n’est-elle pas le vrai signe et la mesure de l’esprit chrétien ? « C’est à ce signe que tous vous reconnaîtront pour mes disciples, si vous avez de la charité les uns pour les autres ». (( Evangile de S. Jean, 13, 35.)) Et « au soir de notre vie, nous serons jugés sur la charité » ((S. Jean de la Croix))

Si, comme on le verra longuement ailleurs, l’état du mariage peut et doit être une « vocation de sainteté », c’est parce qu’il peut et doit être une vocation de charité. Pour tous les chrétiens, mariés ou non, la vertu-clef, celle sans laquelle tout le reste ne serait rien ((S. Paul, I Cor. 13; 1-3, cet admirable passage de l’Apôtre constitue l’épître du dimanche de la Quinguagésime)) c’est la charité. Comme il importe de s’en convaincre et comme on se doit de le dire et de le répéter sans cesse dans un “Guide moral de l’amour chrétien» .

Source: Abbé François Dantec. FOYERS RAYONNANTS – VOLUME I : FÉCONDS ET UNIS. 1953 .