Retranscription et traduction de l’anglais d’une réponse du Père Gabriel Lavery ( Congregation of Mary Immaculate Queen, CMRI ), lors de la 9e conférence de Fatima. 9th Lecture: Question and Answer Session, 2024 Fatima Conference.
Question :« Comment allons-nous retrouver un pape aujourd’hui ? Doit-il être reconnu par les Novus Ordo (conciliaires), les « catholiques », catholiques entre guillemets, de bonne foi ?
Réponse du Père Gabriel Lavery: ” C’est une bonne question, c’est quelque chose que j’avais souhaité aborder dans ma conférence. Je vais vous lire un court extrait du Cardinal Journet tiré de son ouvrage L’Église du Verbe incarné, dans lequel il traite de la question de savoir ce que l’on doit faire pour élire le pape s’il n’y pas de cardinaux.
« Au cas où les conditions prévues seraient devenues inapplicables, le soin d’en déterminer de nouvelles échoirait à l’Église par dévolution, ce mot étant pris, comme le note Cajetan (Apologia de comparata auctoritate papae et concilii, cap. XIII, n° 745), non pas au sens strict (c’est à l’autorité supérieure qu’il y a, au sens strict, dévolution en cas d’incurie de l’inférieur), mais au sens large, pour signifier toute transmission, même faite à un inférieur.
C’est au cours des disputes sur l’autorité respective du pape et du concile que s’est posée, au XVe et au XVIe siècle, la question du pouvoir d’élire le pape. Voici sur ce point la pensée de Cajetan.
Il explique d’abord que le pouvoir d’élire le pape réside dans ses prédécesseurs éminemment, régulièrement, principalement. Éminemment, comme les « formes » des êtres inférieurs sont dans les anges, lesquels sont incapables pourtant d’exercer par eux-mêmes les activités des corps {Apologia, cap. XIII, n° 736). Régulièrement, c’est-à-dire par un droit ordinaire, à la différence de l’Église dans sa viduité, qui ne pourrait déterminer elle-même un nouveau mode d’élection que « in casu », si la nécessité l’y contraignait. Principalement, à la différence de l’Église veuve, en qui ce pouvoir ne réside que secondairement (n° 737). Pendant la vacance du siège apostolique, ni l’Église ni le concile ne sauraient contrevenir aux dispositions prises pour déterminer le mode valide de l’élection (De comparata…,cap. XIII, n° 202). Cependant, en cas de permission, par exemple si le pape n’a rien prévu qui s’y oppose, ou en cas d’ambiguïté, par exemple si l’on ignore quels sont les vrais cardinaux, ou qui est vrai pape, comme cela s’est vu au temps du grand schisme, le pouvoir « d’appliquer la papauté à telle personne » est dévolu à l’Église universelle, à l’Église de Dieu(…)
…quand les dispositions du droit canonique seraient irréalisables, ce serait aux membres certains de l’Église de Rome qu’il appartiendrait d’élire le pape. A défaut du clergé de Rome, ce serait à l’Église universelle, dont le pape doit être l’évêque. (…)
L’Église possède le droit d’élire le pape, et donc le droit de connaître avec certitude l’élu. Tant que persiste le doute sur l’élection et que le consentement tacite de l’Église universelle n’est pas venu remédier aux vices possibles de l’élection, il n’y a pas de pape, papa dubius, papa nullus (un pape douteux n’est pas pape). »[1]
Donc, pour répondre à la question « comment allons-nous retrouver un pape aujourd’hui ? », tous les théologiens sont d’accord pour dire que, lorsqu’il y a des cardinaux, personne d’autre que les cardinaux n’a le pouvoir d’élire le pape.
Les clercs qui adhèrent à la thèse de Cassiciacum disent que ces cardinaux ne sont pas de vrais cardinaux, cela ils l’admettent, mais cependant ils disent que ces « cardinaux » Novus Ordo -“cardinaux” entre guillemets car ce ne sont pas des cardinaux-ont le pouvoir d’élire le pape. Je suis en désaccord avec cela, et nous clercs de la CMRI ne sommes pas d’accord avec cela pour de nombreuses raisons que je n’ai pas le temps de détailler maintenant.
Mais je voudrais juste souligner un point : les partisans de la thèse de Cassiciacum admettent que ce ne sont pas des cardinaux, donc si vous dites que l’élection doit être faite par des cardinaux et qu’en même temps ce ne sont pas des cardinaux, il y a un problème.
Également, comme le dit Capello, une élection faite par des laïcs ne peut pas conférer les pouvoirs de la papauté. Des laïcs peuvent seulement désigner une personne, mais cela ne confère pas le droit à cette personne de recevoir les pouvoirs de la papauté. Donc ceux qui élisent doivent faire partie du clergé.
Dans tous les cas, l’auteur de la thèse, Mgr Guérard des Lauriers, qui était un théologien brillant, ne croyait pas lui-même qu’un pape matériel puisse faire de nouveaux cardinaux. Il a dit qu’il croyait que seule l’élection de Jean-Paul II avait été valide parce qu’il restait alors 10 cardinaux de l’époque de Pie XII qui participèrent à son élection. Donc, évidemment, une fois que ces cardinaux furent morts, il ne croyait pas que ce qu’il appelait un « pape matériel » puisse faire de nouveaux cardinaux. Mais ceux qui adhèrent à la thèse de Cassiciacum aujourd’hui croient, eux, que cela est possible. Or ceci est un enseignement complètement nouveau et ce n’est pas quelque chose que Mgr Guérard des Lauriers disait.
Donc qui peut élire le pape si nous n’avons pas de cardinaux ?
La plupart des théologiens sont d’accord pour dire, sur la base de très bons principes théologiques, que cela revient par dévolution aux échelons inférieurs, à ceux qui sont le plus susceptibles d’être en charge de ce devoir de prendre soin de l’Eglise. Donc certains disent qu’il s’agit du clergé de Rome, d’autres disent que ce seraient tous les évêques. Il y a des débats pour savoir si cela inclurait des évêques qui ne sont pas les ordinaires d’un diocèse.
Je pense que s’il n’y a pas de clergé à Rome et que si vous n’avez plus d’évêques diocésains et qu’il n’y a pas de cardinaux, le principe s’appliquerait toujours. Après eux, logiquement, ceux qui seraient légitimes pour procéder à cette élection sont les évêques catholiques qui, de fait s’occupent des fidèles, donc ce sont nos évêques.(NDLR: les évêques sédévacantistes)
Cependant certains diront que c’est du conclavisme, vous réunissez un groupe d’évêques, vous votez… mais vous ne pouvez pas faire ça, disent-ils. Mais si vous n’admettez aucun des autres électeurs cités comme légitimes pour élire le pape, vous devez admettre que cela est possible, au moins en principe.
La seule raison pour laquelle tout le monde est réticent à dire cela tient au fait que nous n’avons pas écarté de manière absolue toutes les autres options imaginables. Ce serait long à expliquer mais mon point est de dire que cela ne va pas contre les principes de dire que les évêques catholiques traditionnels pourraient élire un pape, mais cela devrait se faire avec l’accord de toute l’Eglise. Sinon vous auriez la même situation que pendant le grand schisme d’Occident où il y avait deux papes pendant des années, deux prétendants. Ils essayèrent de résoudre le problème en ayant une majorité de cardinaux – une majorité issue des deux camps, je crois- qui s’est réunie à Pise pour procéder à une élection. On pouvait penser que ça résoudrait le problème parce qu’il y avait une majorité des cardinaux issue des deux camps. Mais parce que ce n’était pas la totalité des cardinaux, ça n’a servi qu’à créer un pape douteux en plus, parce que tout le monde ne l’a pas reconnu.
Donc nous ne pouvons procéder à une élection que si tout le monde est d’accord et nous n’en sommes pas à ce stade aujourd’hui. Qui devrait accepter ce nouveau pape ? Il faudrait que tout le clergé l’accepte et si ce n’est pas le cas vous ne pouvez pas avoir de certitude sur le fait que l’élection soit valide.
L’élection du pape n’est pas une question de juridiction, car comme tout le monde l’admet, élire un pape n’est pas un acte de juridiction. Saint Robert Bellarmin le dit spécifiquement, parce que personne ne donne la juridiction au pape, c’est Dieu qui la donne, le Christ la donne à Pierre et ses successeurs.
[1] L’Église du Verbe Incarné, Essai de théologie spéculative. Tomes I-III, Paris, Desclée de Brouwer, 1941, 1951, 1969. EXCURSUS VIII. L’élection du pape. p.975-978