Cet article vise à exposer la doctrine catholique sur l’autorité pour rappeler que doctrinalement, il est impossible de concevoir une Église sans autorité.
La première partie est une traduction (de l’anglais en français) du chapitre consacré à l’autorité dans le manuel de théologie dogmatique de Mgr Van Noort « L’Église du Christ » [1]Mgr G. Van Noort, “Christ’s Church: Dogmatic Theology (Volume 2); Volume 2, Section I. Chapitre II Article I. The Church as a hierarchical society , afin d’exposer en détail la doctrine catholique sur ce sujet.
La deuxième partie est une traduction d’extraits d’un chapitre consacré à la question de l’autorité dans l’ouvrage « Sede Vacante ! » [2]P.28-33 Griff Ruby. Sede Vacante! Part One: Dogmatic Ecclesiology Applied to Our Times. 2017 de Griff Ruby. Dans ce chapitre, commentant des passages de ce chapitre de Van Noort sur l’autorité, G. Ruby confronte la doctrine catholique aux faits historiques récents. Griff Ruby y explique que toute tentative d’explication de la situation actuelle de l’Église doit nécessairement pouvoir déterminer où est l’autorité dans l’Église aujourd’hui. Il montre qu’il est absolument impossible que l’Église catholique ne conserve pas une forme d’autorité.
A la lumière de ces deux textes, il nous semble notamment que les assertions telles que : « Nous n’avons plus d’autorité » ou « Nous sommes privés de hiérarchie » – qui sont les corollaires de certaines théories explicatives de la situation actuelle de l’Église aujourd’hui – ne sont pas acceptables et devraient être donc rejetées de nos discours. Elles entrent en effet en contradiction manifeste avec le dogme catholique.
L’Église est une société hiérarchisée. Mgr Van Noort
“Ch. II. Art. I. L’Église en tant que société hiérarchisée
Une organisation dont tous les membres jouissent des mêmes droits sur le plan de l’autorité, de la sorte que personne ne puisse y exercer l’autorité sans avoir été mandaté pour cela par les autres (comme c’est le cas des associations à but non lucratif) est appelée démocratique ou égalitaire. Mais si la direction de la société appartient par un droit spécial à un seul ou quelques-uns des membres, alors cette société est appelée inégalitaire. S’il s’agit d’une société sacrée, on peut l’appeler société hiérarchiquement constituée, ou simplement société hiérarchisée (hierà arche), parce qu’étymologiquement le terme hiérarchie signifie pouvoir sacré. Par conséquent s’il existe au sein de l’Église un groupe d’hommes distinct des autres membres, et si ce groupe exerce un pouvoir sacré, de droit divin ( c ’est à dire non pas un pouvoir reçu en vertu d’une délégation de l’Église mais un pouvoir institué par le Christ lui-même), alors on dira que l’Église est une société inégalitaire ou une société hiérarchisée
I. Erreurs
A l’exception de la Haute Église au sein du mouvement anglican, en général tous les protestants nient qu’il y ait quelque hiérarchie que ce soit pouvant légitimement prétendre avoir été instituée de droit divin. Selon eux, tous les chrétiens ont les mêmes pouvoirs spirituels, car à part le « sacerdoce universel » [3]notion protestante qui signifie tous les chrétiens sont des prêtres qui est commun à tous, il n’y a, selon eux, dans la Loi nouvelle, pas de sacerdoce à proprement parler. Parmi les protestants, ceux qui agissent en tant que ministres de la Parole de Dieu et des sacrements, ainsi que ceux qui administrent les affaires de l’Église occupent, selon eux, des fonctions instituées par l’Église et non par le Christ. Tout au plus, certains admettent que l’Église a un mandat pour instituer de telles fonctions.
De même, les modernistes nient que la hiérarchie existe de droit divin dans l’Église. Lorsque l’on démêle tout leur verbiage, on découvre qu’ils attribuent l’institution de l’ Église à un process naturel d’évolution « Les anciens qui étaient chargés de la surveillance dans les assemblées des chrétiens ont été établis par les Apôtres prêtres ou évêques en vue de pourvoir à l’organisation nécessaire des communautés croissantes, et non pas précisément pour perpétuer la mission et le pouvoir des Apôtres. » ; et « Les doctrines, les sacrements, la hiérarchie, tant dans leur notion que dans la réalité, ne sont que des interprétations et des évolutions de la pensée chrétienne, qui ont accru et perfectionné par des développements extérieurs le petit germe latent dans l’Évangile. » [4] Lamentabili, propositions condamnées 50, 54.
Le Synode de Pistoie enseigna que le pouvoir sacré fut donné directement à toute la communauté des fidèles, qui à son tour le délégua aux évêques et au Pontife suprême. Si l’on admet cela, alors ceux qui gouvernent l’Église ne sont rien d’autre que les instruments et les serviteurs du peuple chrétien. Pie VI a condamné cette doctrine comme étant hérétique. C’est toujours la vision des Jansénistes aux Pays-Bas.
II. L’Église du Christ est une société hiérarchisée
L’enseignement catholique tient que le Christ lui-même a établi une autorité sacrée dans son Église, et que cette autorité, investie d’abord dans le collège apostolique, s’est perpétuée de façon ininterrompue et perdure aujourd’hui dans le collège des évêques.
Proposition 1 : Le Christ a établi une autorité sacrée dans son Église lorsqu’il a conféré directement au collège des apôtres le pouvoir d’enseigner, de sanctifier et de gouverner.
La première partie de cette proposition affirme la vérité générale selon laquelle l’Église, par l’institution du Seigneur lui-même, est une société inégalitaire, c’est-à-dire une société où les uns gouvernent et les autres sont gouvernés. La seconde partie indique précisément qui a été placé en position d’autorité sur les autres et quels sont les pouvoirs qui les placent dans une classe à part. Une preuve de cette dernière affirmation suffira.
Le pouvoir d’enseigner est le droit et le devoir d’exposer la vérité chrétienne avec autorité à laquelle tous sont tenus d’obéir intérieurement et extérieurement.
Le pouvoir de sanctifier est le pouvoir d’agir en tant que prêtres ou ministres, c’est-à-dire le pouvoir d’offrir des sacrifices et de sanctifier les gens par l’intermédiaire des rites extérieurs.
Le pouvoir de gouverner est le pouvoir de régler la conduite morale de ses sujets. Comme ce pouvoir s’exerce principalement par la législation, puis par les peines et les sanctions judiciaires, il comprend les pouvoirs législatif, judiciaire et coercitif. Le pouvoir de juger et de punir est le complément nécessaire du pouvoir de légiférer, car les lois n’ont généralement que peu d’effet si elles ne font pas l’objet de sanctions.
Le triple pouvoir d’enseigner, de d’agir comme prêtres et de gouverner correspond au triple pouvoir dont le Christ, en tant qu’homme, a été investi, car il était prophète, prêtre et roi. C’est ainsi qu’en conférant aux apôtres la triple pouvoir susmentionné, il les a fait participer aux mêmes pouvoirs que lui (dans sa nature humaine) a reçus du Père, même si ce n’est pas avec la même plénitude.
Nous mentionnons souvent dans notre propos le collège des apôtres ; les pouvoirs susmentionnés ont été donnés aux apôtres ; non pas comme à autant d’individus sans lien les uns avec les autres, mais en tant qu’ils constituaient une unité, un « collège ». En effet, pourquoi le Christ, qui voulait fonder une seule Église, aurait-il donné le pouvoir de gouverner à onze hommes totalement indépendants les uns des autres ? Cette question sera traitée explicitement dans l’article II.
Enfin, le pouvoir sacré a été conféré au collège apostolique directement. Cela exclut l’opinion du Synode de Pistoia mentionnée ci-dessus. La proposition est un dogme de foi, comme nous le savons d’après les différentes définitions de l’Église. Voir le Concile de Trente, Sess. 23, c. 4 ; le Concile du Vatican, constitution De ecclesia, préambule (DB 960, 1821).
Preuve :
1. Selon les paroles du Christ : (a) Pour les trois pouvoirs à la fois : « Comme le Père m’a envoyé, moi aussi je vous envoie » (Jean 20 :21). Le Christ a été envoyé par le Père en tant que prophète (enseignant), prêtre et roi. Il transmet maintenant aux apôtres les fonctions et les pouvoirs qu’il avait reçus, en les envoyant faire des disciples, baptiser et sanctifier, et régler la conduite morale des disciples (Matt. 28:18-19). (b) Pour chaque pouvoir séparément : le pouvoir d’enseigner : « Allez dans le monde entier, et prêchez la bonne nouvelle à toute la création. Celui qui croira et sera baptisé sera sauvé ; celui qui ne croira pas sera condamné.» (Marc 16, 15-16). Le pouvoir sacerdotal : « Faites ceci en mémoire de moi » (Luc 22:19), et : « Chaque fois que vous remettez les péchés de quelqu’un, ils seront remis; si vous retenez les péchés de quelqu’un, ils seront retenus « (Jean 20:23). Le pouvoir de gouverner : « Je vous le dis en vérité, tout ce que vous lierez sur la terre sera lié dans le ciel, et tout ce que vous délierez sur la terre sera délié dans le ciel » (Matt. 18:18).
Il ne fait aucun doute que le pouvoir évoqué dans ces paroles est un pouvoir réel. Que ce pouvoir soit conféré non pas à tous indistinctement mais aux seuls apôtres, cela ressort clairement du fait que les paroles du Christ s’adressent exclusivement au collège apostolique, c’est-à-dire aux hommes que le Christ avait choisis longtemps auparavant et qu’il avait formés en vue des fonctions qu’il devait leur confier.
2. D’après la manière d’agir des apôtres : (a) Ils affirment en termes généraux qu’ils ont acquis un ministère (Actes 1:17), un ministère apostolique (Ac 1,25) ; qu’ils doivent être considérés comme des subordonnés du Christ et intendants des mystères de Dieu (I Cor. 4:1), à qui Dieu a confié … ce ministère de réconciliation … en nous confiant le message de la réconciliation (II Cor. 5:18-20) -Des hommes donc, qui accomplissent une mission pour le Christ, comme si Dieu nous exhortait en quelque sorte à travers eux.
En outre, b) les apôtres, soit par leurs paroles, soit par leurs actes, revendiquent pour eux-mêmes chacune des trois fonctions susmentionnées. Celle d’enseignement : « Mais ils allaient prêcher partout » ( Marc 16:20 ; voir Actes 5:42 ; 10:42). 16:20 ; voir Actes 5:42 ; 10:42) ; « Mais je ne fais pour moi-même aucun cas de ma vie, comme si elle m’était précieuse, pourvu que j’accomplisse ma course avec joie, et le ministère que j’ai reçu du Seigneur Jésus, d’annoncer la bonne nouvelle de la grâce de Dieu. » ( Actes 20:24 ; voir I Cor. 9:16 ; II Thess. 2:15 ; I Tim. 1:19-20 ; II Tim.2:17-18.) Le sacerdoce : « Pierre et Jean leur imposèrent les mains et ils reçurent l’Esprit Saint » (Actes 8:17) ; « C’est pourquoi je t’exhorte à ranimer le don de Dieu que tu as reçu par l’imposition de mes mains. »
(II Tim. 1:6). Celle de gouverner : « Car il a paru bon au Saint Esprit et à nous de ne vous imposer d’autre charge que ce qui est nécessaire, savoir, de vous abstenir des viandes sacrifiées aux idoles, du sang, des animaux étouffés, et de l’impudicité » (Actes 15:28 ; voir 16:4 ; I Cor. 11:2 ; II Thess. 3:14.) Et les apôtres s’arrogent non seulement le pouvoir législatif, mais aussi le pouvoir judiciaire : « Pour moi, absent de corps, mais présent d’esprit, j’ai déjà jugé, comme si j’étais présent, celui qui a commis un tel acte. Au nom du Seigneur Jésus, vous et mon esprit étant assemblés avec la puissance de notre Seigneur Jésus, qu’un tel homme soit livré à Satan pour la destruction de la chair, afin que l’esprit soit sauvé au jour du Seigneur Jésus. (I Cor. 5:3-5) ; et coercitif : « Que voulez-vous? Que j’aille chez vous avec une verge, ou avec amour et dans un esprit de douceur ? » (I Cor. 4:21 ; voir II Cor. 10:3-8 ; 13:2,10.)
(…)
Proposition 2 : Le Christ a voulu que le pouvoir sacré inauguré dans le collège apostolique dure pour toujours.
Cette proposition concerne le même triple pouvoir dont nous avons montré qu’il fut donné aux apôtres. Elle affirme que ce pouvoir a été accordé par le Christ avec la condition suivante : qu’il soit transmis à une lignée ininterrompue de successeurs. Nous ne nous occupons pas pour l’instant des collaborateurs subordonnés des apôtres. Le seul point à prouver ici est que le Christ a voulu que le collège apostolique se perpétue à jamais, de telle sorte qu’il y ait toujours dans l’Église un groupe d’hommes investi du triple pouvoir dont jouissaient les apôtres. Cette thèse est un dogme de foi, comme nous le savons, par exemple, depuis le Concile de Trente, Sess. 23, c. 4 (DB 960).
Preuve :
1. En vertu de l’indéfectibilité de l’Église : Le Christ a voulu que son Église dure jusqu’à la fin des temps, et ce sans connaître aucune corruption (n° 19 et suivants). Il a donc voulu que toutes les choses durent sans lesquelles la perpétuité de l’Église serait impossible. Mais l’Église telle qu’il l’a fondée repose entièrement sur les pouvoirs d’enseignement, de sacerdoce et de gouvernement des apôtres. La conclusion est claire.
Preuve de la mineure : l’Église dépend essentiellement des pouvoirs d’enseignement, de prêtrise et de gouvernement des apôtres. En effet, de ces facteurs suivants dépend son existence même : que tous professent la doctrine que les apôtres ont enseignée ; que tous participent aux mêmes sacrements qu’ils avaient l’habitude de célébrer, et que tous obéissent à la même règle morale.
Si la prédication, le ministère sacerdotal et le gouvernement des apôtres devaient s’arrêter, par ce seul fait, l’Église disparaîtrait immédiatement. En d’autres termes, enlevez ces liens qui maintiennent dans l’unité cette société que nous appelons l’Église et cette société se disperserait et serait réduite à néant.
2. En vertu de la promesse explicite du Christ : lorsque notre Seigneur a donné aux apôtres la mission définitive d’enseigner, de sanctifier et de gouverner, il leur a dit ensuite, en termes très clairs : « Et voici, je suis avec vous tous les jours, jusqu’à la fin du monde. » (Matt. 28:20). Mais comment pourrait-il être présent pour toujours dans le collège apostolique dans l’œuvre d’enseigner, de sanctifier et de gouverner, si ce collège ne durait pas lui-même à moins que ce collège lui-même ne dure éternellement ; à moins que les apôtres n’aient une lignée ininterrompue de successeurs dans leur travail d’enseignement, de sanctification et de gouvernement ?
3. En vertu de la manière d’agir des apôtres. Il ne fait aucun doute que les apôtres ont compris la pensée de leur Maître et donc, s’ils ont eux-mêmes transmis leur triple pouvoir à leurs successeurs, il faut bien sûr en conclure qu’ils accomplissaient la volonté du Seigneur en la matière. Or, c’est un fait que les apôtres ont pris soin de nommer des hommes pour leur succéder.
a. Dans les Ecritures canoniques, il y a, par exemple, le cas de Timothée, que Paul, précisément parce qu’il sent la proximité de sa propre mort, l’exhorte à exercer son ministère avec prudence : « Mais toi, sois sobre en toutes choses, supporte les souffrances, fais l’oeuvre d’un évangéliste, remplis bien ton ministère. Car pour moi, je sers déjà de libation, et le moment de mon départ approche. » (II Tim. 4:5-6). Le ministère de Timothée comprenait les fonctions d’enseignement, de prêtrise et de gouvernement. La fonction d’enseignement : « prêche la parole, insiste en toute occasion, favorable ou non, reprends, censure, exhorte, avec toute douceur et en instruisant. Car il viendra un temps où les hommes ne supporteront pas la saine doctrine. » L’office de la prêtrise : « N’impose les mains à personne avec précipitation » (I Tim. 5:22). La fonction de juger : « Ne reçois point d’accusation contre un ancien, si ce n’est sur la déposition de deux ou trois témoins. Ceux qui pèchent, reprends-les devant tous, afin que les autres aussi éprouvent de la crainte. » (I Tim. 5:19-20).
b. Parmi les premiers pères, saint Clément de Rome a écrit :
« C’est ainsi qu’après avoir reçu leurs instructions et avoir été pleinement rassurés par la résurrection de notre Seigneur Jésus-Christ, et confirmés dans la foi par la parole de Dieu, ils se mirent en route, remplis de l’Esprit-Saint, pour prêcher la bonne nouvelle que le Royaume de Dieu était tout proche. C’est ainsi que, de pays en pays et de ville en ville, ils prêchaient. De pays en pays, et de ville en ville, ils prêchaient, et, dès les premières conversions, ils désignèrent des hommes qu’ils avaient éprouvés par l’Esprit-Saint pour être évêques et diacres des futurs croyants.
Nos Apôtres, eux aussi, ont appris de notre Seigneur Jésus-Christ que la fonction d’évêque donnerait lieu à des intrigues. C’est pourquoi, dotés d’une parfaite connaissance, ils ont nommé les hommes mentionnés plus haut et ont ensuite établi une règle une fois pour toutes : à la mort de ces hommes, d’autres hommes approuvés leur succéderont dans leur ministère sacré. En conséquence, nous estimons qu’il est injuste d’exclure du ministère sacré les personnes qui ont été nommées soit par eux [les apôtres], soit plus tard, avec le consentement de toute l’Église, par d’autres hommes de haute réputation. »
Proposition 3 : La hiérarchie sacrée qui a commencé avec le collège des apôtres s’est poursuivie dans le collège des évêques.
Cette proposition se rapproche de la question de savoir précisément quels hommes de l’Église ancienne ont été en réalité les successeurs des apôtres dans la fonction pastorale. Notons que le titre de successeur ne convient qu’à celui qui prend la place d’un autre de façon à recevoir dans sa plénitude la charge que ce dernier avait exercée. Ainsi, pour qu’un homme soit reconnu comme successeur des apôtres, il ne suffit pas qu’un des pouvoirs apostoliques lui soit conféré (comme le pouvoir du sacerdoce, en tout ou en partie). Non, il faut qu’il ait tout l’éventail des pouvoirs qui constituait les apôtres pasteurs de l’Église. La présente proposition affirme en outre que les successeurs des apôtres, dans le sens qui vient d’être indiqué, étaient les ministres de l’Église que toute la chrétienté ancienne, au moins à partir du début du siècle, ont appelé évêques. De même qu’il était question plus haut du collège apostolique, il est désormais question du collège des évêques ; car la présente proposition n’affirme pas que chaque évêque est le successeur individuellement d’un apôtre, mais plutôt que le collège des évêques ou l’épiscopat a succédé au collège apostolique. Cette proposition est un dogme de foi. Voir le Concile de Trente,
Sess. 23, c. 4 (DB 960).
Preuve :
A la question de savoir quels hommes ont reçu des apôtres leur charge et leurs pouvoirs pastoraux, on peut répondre de deux manières : (1) en remontant et en découvrant, à la lumière de l’histoire ancienne, qui a gouverné l’Église après la mort des apôtres ; et (2) en rassemblant les témoignages formels des anciens concernant les successeurs des apôtres.
1. Les premiers documents historiques montrent clairement que, peu après la mort des apôtres, il y a eu des évêques qui étaient en charge de chacune des églises. En fait, ces documents fournissent même la preuve directe, dans le cas de plusieurs sièges épiscopaux, que ces derniers remontent aux apôtres eux-mêmes.
Les lettres de saint Ignace Martyr montrent sans conteste qu’au début du deuxième siècle, dans chacune des églises d’Asie, il y avait, en plus des ministres subordonnés (prêtres et diacres), un évêque qui exerçait les fonctions d’enseignant, de prêtre et de gouvernant. La manière dont saint Ignace s’exprime indique à suffisance que cet épiscopat n’était pas une institution nouvelle.
Hégésippe se rendit de l’Orient à Rome vers le milieu du deuxième siècle, et en chemin visita « de très nombreux évêques », et trouva la même doctrine enseignée dans « chacune des lignées épiscopales de succession (en ekàstg diadochê). Et donc au milieu du deuxième siècle, on pouvait compter dans de nombreuses villes une lignée d’évêques qui avaient succédé à leurs prédécesseurs.
Vers 180 après J.-C., St. Saint Irénée, « puisqu’il serait très fastidieux d’établir la liste des lignées de succession de toutes les églises », établit la liste de l’Eglise de Rome, depuis les saints Pierre et Paul jusqu’à Éleuthère, qui « occupe maintenant l’épiscopat à la douzième place depuis les apôtres » {Adversus haereses iii. 3. 2-3). Le même Irénée nous dit que les saints apôtres ont transmis cet épiscopat romain à Linus, et que saint Polycarpe avait été nommé évêque de Smyrne par les apôtres (c’est-à-dire par saint Jean ; ibid. 3-4 ; voir Tertullien De praescriptione 32).
Tertullien écrit que, dans les églises instituées par saint Jean, la lignée des évêques, lorsqu’on remonte à son origine, s’arrête à saint Jean, qui l’a commencée {Adversus Marcionem 4. 5).
Clément d’Alexandrie raconte comment saint Jean, après son retour de Patmos à Ephèse, se rendait parfois dans les provinces voisines pour nommer des évêques {Quis dives 42 ; cité par Eusèbe HE 3. 24).
Origène témoigne que saint Ignace martyr fut « le deuxième évêque d’Antioche après saint Pierre » {In Lucam homilia vi).
Enfin, Eusèbe nous donne, outre la liste des pontifes romains, celle des évêques d’Antioche jusqu’à saint Pierre ; d’Alexandrie depuis saint Marc, et de Jérusalem depuis saint Jacques, « frère du Seigneur ».
2. En outre, des témoignages formels établissent le fait que les premiers pères ont unanimement considéré les évêques comme les successeurs des apôtres.
Saint Irénée dit que si l’on veut découvrir la véritable tradition des apôtres, nous pouvons énumérer ceux qui ont été nommés évêques dans les églises par les apôtres jusqu’à nos jours, qui n’ont jamais connu ni enseigné quoi que ce soit qui ressemble à leur folle doctrine [c’est-à-dire celle des gnostiques]. Si les apôtres avaient connu de tels mystères, qu’ils enseignaient en privé et sub rosa aux parfaits, ils auraient certainement confié cet enseignement aux hommes à qui ils avaient confié les églises. Car ils voulaient que ceux à qui ils confiaient leur propre autorité soient sans reproche et sans blâme. (Adversus haereses iii. 3. 1 ; voir QP, I, 301.)
Ailleurs il mentionne également « les lignes de succession épiscopale, par lesquelles ils [les apôtres] par lesquelles ils [les apôtres] ont transmis cette Église qui existe partout (ibid. iv. 33. 8). Il dit encore à propos des hérétiques :« Tous ces [hérétiques] sont bien plus tardifs que les évêques à qui les apôtres ont confié les églises.» (ibid. v. 20. 1).
Tertullien lance cette raillerie aux hérétiques :
« Qu’ils rendent publique l’origine de leurs églises, qu’ils déroulent les parchemins contenant les noms de leurs évêques, en remontant les lignes de succession jusqu’au début, de telle sorte que leur premier évêque ait pour consécrateur et pour prédécesseur l’un des apôtres ou quelqu’un des temps apostoliques, mais qui a persévéré dans la fidélité aux apôtres. C’est ainsi que les églises apostoliques transmettent leurs archives. » (De praescriptione 32.)
Saint Cyprien : « C’est à cela, mon frère, que nous travaillons et que nous devons travailler le plus dur possible : maintenir autant que possible en nous l’unité qui nous a été transmise par le Seigneur, par l’intermédiaire des apôtres, à nous leurs successeurs » (Epistula 42.3).
Lors du concile de Carthage, qui s’est tenu sous la direction de saint Cyprien vers 256, Clarus de Mascula déclara :
« La mission de notre Seigneur Jésus-Christ par laquelle il envoya ses apôtres et leur confia à eux seuls le pouvoir qu’il avait reçu du Père, est très claire. Nous sommes leurs successeurs et nous gouvernons l’Église de Dieu en vertu de ce même pouvoir. » (ML, HI, 1111.)
Firmilien, évêque de Césarée de Cappadoce :
« C’est pourquoi le pouvoir de pardonner les péchés a été donné aux apôtres et aux églises qu’ils ont fondées en vertu d’un mandat du Christ, ainsi qu’aux évêques qui leur ont succédé dans leurs fonctions par leur consécration. » ( Epistula ad Cyprianum voir ML, II, 1217.)
Saint Jérôme : « Tous [les évêques] sont les successeurs des apôtres » (Epistula 146.1) ; et, « Chez nous, les évêques prennent la place des apôtres ; chez eux [les montanistes], l’évêque occupe la troisième place. » (Epistula 41.3).
Saint Grégoire le Grand : « En effet, les évêques prennent maintenant leur place [celle des apôtres] dans l’Église. » (In Euangelia hamilia 26.5).
(…)
Scholion 2. Ce même épiscopat ne vient pas seulement des apôtres, mais, par l’intermédiaire des apôtres, du Christ lui-même.
Le Christ a fait en sorte que l’Église soit gouvernée pour toujours par les successeurs des apôtres. Ces derniers, suivant les directives de leur Maître, ont mis des évêques à la tête de chaque église. Or, il est tout à fait raisonnable de croire qu’ils exécutaient également un ordre divin en instituant ainsi des évêques « monarchiques ». Certainement, le Christ a personnellement et directement fondé l’Église ; et c’est donc Lui-même qui a dû en déterminer le cadre et la structure essentielle. Avant tout, l’ordre, le rang des évêques (en laissant de côté pour l’instant la question de la primauté) appartient à cette structure. C’est un fait que les premiers témoins affirment – parfois de manière assez vague, parfois de manière assez explicite – que l’épiscopat tel qu’ils le connaissent, c’est-à-dire l’épiscopat « monarchique », est de droit divin.
Saint Clément de Rome enseigne que les apôtres, « après avoir reçu leurs instructions » et « dotés comme ils l’étaient d’une parfaite prescience », ont pris soin de se choisir des collaborateurs et des successeurs (Epistula prima ad Corinthios 42.3, 44.2).
Saint Ignace Martyr appelle l’évêque une « grâce » et un « commandement » de Dieu (Epistula ad Magnesios 2 ; Epistula ad Trallianos 13. 2) ; au sujet de l’évêque, de ses prêtres et de ses diacres, il dit qu’ils ont été « nommés selon la volonté du Christ» (Epistula ad Philadelphenses Inscription) ; et il ajoute ailleurs qu’« en dehors d’eux, aucune église ne mérite ce nom » (Epistula ad Trallianos 3.1). Pourquoi serait-il impossible pour une église légitime d’exister sans évêque, etc. si ce n’est parce que le Christ lui-même a ordonné qu’un évêque soit nommé (ainsi que les prêtres et diacres).
Saint Cyprien, après avoir fait remarquer que l’Église est fondée sur les évêques, et que tous les actes de l’Église sont régis par ces mêmes évêques, ajoute : « Puisque cela a été établi par la loi divine, je m’étonne que certains… ». (Epistula 27, De lapsis).
Saint Basile, écrivant à son disciple Chilo, mentionne les « évêques des églises de Dieu, [évêques] nommés par Dieu » (Epistula 42. 4).
Or, en vérité, si l’Église est fondée sur des évêques par l’ordre du Christ lui-même, et si « l’Esprit Saint a placé […] des évêques pour gouverner l’Église de Dieu » (Actes 20:28) ; il s’ensuit que cette disposition est immuable. Il est donc nécessaire que l’Église du Christ soit gouvernée jusqu’à la fin des temps par le collège des évêques, dont chacun gouverne l’une des nombreuses circonscriptions de l’Église.«
Traduction de l’anglais au français : B. Michel
La doctrine sur l’autorité de l’Eglise. Griff Ruby.
Griff Ruby après avoir cité des extraits du chapitre de Mgr Van Noort que nous venons de voir fait les commentaires suivants :
“L’apparente autorité de l’actuelle organisation issue de Vatican II (qui est utile à son organisation interne) ne peut absolument pas être considérée comme l’autorité de la vraie Église catholique, étant donné que cette autorité réelle ne peut résider que parmi les vrais catholiques, pour guider, fortifier et édifier les vrais catholiques dans leur adhésion à la foi catholique et dans la pratique de leur foi. C’est donc l’Église catholique seule qui est concernée par cette question. Il est évident que toute organisation qui n’est pas l’Église catholique ne peut exercer aucune autorité religieuse ou spirituelle sur les catholiques.
Le Corps Mystique du Christ, qui est la vraie Église catholique aujourd’hui, non seulement DOIT avoir une autorité habituelle et réelle, mais en A une, nécessairement. Dire cela ne signifie pas que nous, catholiques, devrions « aller chercher l’autorité chez une autre organisation » comme si nous manquions d’une telle autorité, mais cela signifie que nous, catholiques, ou au moins quelqu’un parmi nous, possède déjà cette autorité, indépendamment du fait que cette réalité soit reconnue ou non, même par ceux là-même qui la possèdent. Une telle autorité, réelle et habituelle ne peut pas appartenir à ceux qui, de manière évidente, ne sont pas catholiques, c’est-à-dire ceux qui appartiennent à l’organisation du Vatican actuelle et la dirigent. Mais elle doit être et elle est chez ceux qui sont manifestement catholiques, c’est-à-dire les catholiques traditionnels. Ceci se déduit des propos de Van Noort que nous avons cités : « le Christ lui-même a établi une autorité sacrée dans son Église, et cette autorité, investie d’abord dans le collège apostolique, s’est perpétuée de façon ininterrompue et perdure aujourd’hui dans le collège des évêques. » Donc, même sans pape, une autorité réelle continue d’exister dans ce que Van Noort appelle « le collège des évêques », et vraisemblablement même s’ils ne forment pas, strictement parlant, un « collège » en soi, tout le temps. Cependant, cette autorité opère dans la mesure où les évêques opèrent comme une unité agissent en union, ou seulement si les évêques qui restent agissent de manière similaire. Ceci se déduit de l’affirmation de Van Noort selon laquelle « les pouvoirs susmentionnés ont été donnés aux apôtres ; non pas comme à autant d’individus sans lien les uns avec les autres, mais en tant qu’ils constituaient une unité, un « collège ». En effet, pourquoi le Christ, qui voulait fonder une seule Église, aurait-il donné le pouvoir de gouverner à onze hommes totalement indépendants les uns des autres ? »
(…)
C’est une chose d’affirmer que l’ Église permet à ses ministres d’utiliser « la juridiction de suppléance » quand cela est demandé par les fidèles d’autres prêtres ou évêques qui voyagent en dehors de leur lieu de juridiction(…) mais c’est tout autre chose de dire d’affirmer que TOUS les ministres de l’Eglise ne fonctionnent aujourd’hui par rien d’autre que la juridiction de suppléance pour accomplir tous leurs actes, même ceux qui sont de l’ordre de l’erreur commune (…) Si tous les membres du clergé catholique actuel n’avaient qu’une juridiction de suppléance, alors aucun catholique ne serait membre d’aucun troupeau, et cela reviendrait à affirmer que l’Eglise catholique est une église sans autorité et une église qui n’est pas indéfectible. Donc, certains des évêques traditionnels fidèles à la foi catholique doivent avoir et ont de fait une juridiction habituelle, même si de nombreuses personnes-ces évêques eux-mêmes inclus- doutent subjectivement qu’ils possèdent cette autorité.
Ce qui n’est pas expliqué par cette déduction, ce sont les détails de ce que j’appellerai ici le « mécanisme canonique » par lequel les évêques catholiques fidèles aujourd’hui ont obtenu légalement et visiblement cette « re-délégation » de l’autorité de l’Église. Parce que, la seule chose dont nous pouvons être sûrs est que cette autorité n’est pas arrivée à ceux qui la détiennent dans l’Église par le biais des hérétiques. En conséquence, les hérétiques n’ont pas non plus le pouvoir de déposséder les ministres légitimes de leur autorité. L’autorité qu’ils possèdent ne leur a pas non plus été donnée par défaut. Il doit absolument y avoir eu un mécanisme légal et direct de re-délégation de l’autorité de la vraie Église catholique du passé à l’actuelle Église catholique. Encore une fois, nous savons que cela est vrai, mais comme nous le verrons plus loin, bien que nous puissions déduire une grande part des raisons pour lesquelles cela est vrai, il nous faut trouver les éléments d’explication manquants pour compléter le tableau et déterminer précisément qui a quelle forme d’autorité sur qui et pourquoi. »
( …)
Ceux qui attendent que l’organisation actuelle du Vatican, qui a fait défaut, de « revienne à la raison » ou qu’ils retrouvent une « sensibilité catholique » ou que « le pendule bascule vers l’orthodoxie », attendent tous en vain quelque chose qui n’arrivera très probablement pas. Et même s’ils revenaient à l’orthodoxie, ce ne serait pas encore l’Église catholique.
En résumé, voici les conclusions que nous pouvons tirer de la doctrine sur l’autorité de l’Église et des faits historiques que nous connaissons :
1) Une autorité apostolique habituelle et réelle doit nécessairement résider et réside de fait dans l’Église réelle, et elle ne peut exister qu’au sein de ceux qui sont manifestement catholiques, c’est-à-dire ceux que l’on appelle aujourd’hui les catholiques traditionnels.
2)Il ne peut pas y avoir d’autorité apostolique, religieuse ou spirituelle au sein de l’organisation actuelle du Vatican étant donné que cette dernière n’est pas l’Église catholique.
3) L’autorité des authentiques évêques catholiques à propos des sujets qui concernent l’Église dépend de leur action en tant que « collège » unifié plutôt qu’en tant qu’autorités apostoliques isolées.
4) Il est impossible que la hiérarchie de l’Église soit composée de ministres dont absolument aucun ne jouisse d’une juridiction autre que la juridiction de suppléance (c’est-à dire celle qui est consentie en cas d’erreur commune.)
5) Il est impossible que l’Église oscille telle un pendule entre la vérité et l’erreur. Donc même si l’organisation du Vatican actuelle devait basculer à nouveau vers la vérité catholique, elle ne deviendrait pas pour autant l’Église. »
Notes
↑1 | Mgr G. Van Noort, “Christ’s Church: Dogmatic Theology (Volume 2); Volume 2, Section I. Chapitre II Article I. The Church as a hierarchical society |
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↑2 | P.28-33 Griff Ruby. Sede Vacante! Part One: Dogmatic Ecclesiology Applied to Our Times. 2017 |
↑3 | notion protestante qui signifie tous les chrétiens sont des prêtres |
↑4 | Lamentabili, propositions condamnées 50, 54. |